V : Avoue, fille, qu’avec des p’tits, on a tout le temps bin’que trop d’affaires dans la tête. Ça erfoule.

M : J'aime ton verbe. Me semble que j'utilise ben des métaphores aquatiques pour décrire mon quotidien. Trop-plein. Avoir les deux pieds dedans. Sortir la tête de l'eau. Suivre le flow. Ça, pis penser à toutes sortes de liquides : «Est-ce qu'il reste du lait? C'est quoi la flaque à terre? Encore un pipi au lit?»

V : Tu oublies le vomi, mais c’mieux de même.

M : J'ai volontairement omis le vomi. LOL.

V : Je comprends ça. J’aurais dû me dire que. Anéwé. La tête pleine, on disait. «J'ai-tu assez de fruits pour le déjeuner? Fuck le linge propre est dans la sécheuse, encore humide, depuis hier; faut que je change les vêtements dans le sac de la garderie; marde, le rendez-vous chez le dentiste doit être pris pis l'inscription au soccer, je l'ai oubliée.». 

M : «Léonie a pas sa couverte habituelle, elle est où? C'est vrai, y'ont fait une cabane avec ce soir. Est-ce qu'elle va avoir froid? Est-ce que je vais en chercher une autre? Je vais peut-être la réveiller en allant dans sa chambre. Elle en a déjà deux. Boaaaah, fuck off.» 

V : «J'y ai-tu lavé le derrière des oreilles comme faut pis le dedans pis les entre-plis de corps? Tout d'un coup que kekun y regarderait les entre-plis de corps…»

M : LOL.

V : C'parce que j'ai pensé à ça, talleur, pendant le bain. L’ai frotté fort.

M : J’te cré.

V : «Yé où l'esti de gobelet? Les ongles sont trop longs, faut couper les ongles. Y vont chialer, ça me tente pas qu’y chialent. J'ai-tu assez joué avec eux, aujourd'hui? On a-tu eu assez de plaisir? Avons-nous-tu assez ri?»

M : «Alice a-tu sa pull-up? J'ai pas encore pu lui brosser les cheveux. Je vais devoir Googler ça : «enfant refuse brosser cheveux». Est-ce qu'elle a brossé ses dents? Mon chum va-tu finir par faire la vaisselle? J'va-tu finir par lâcher prise sur la vaisselle? J'va-tu finir par avoir une soirée avec mon chum?»

V : «[face qui se décompose] J'ai oublié de quoi pour le souper. Faut que je ressorte. Avec les deux. Les habiller. Descendre les trois étages. Les mettre dans le char. Les sortir du char. Être à l'épicerie. Dire mille fois non. Gérer les crises. Supporter nonchalamment les regards, mais mourir un peu en dedans. Les mettre dans le char. Les sortir du char. Monter les trois étages. Avec les sacs pis un des deux din bras. Y vont chialer. Fuck off. On mange autre chose.» 

M : T'as mangé quoi finalement?

V : Du pain doré. Du déjeuner pour le souper, ça rime avec party.

M: «Je me demande combien de fois je vais me faire réveiller cette nuit.»

V : «J’pense que je me suis fâchée pour rien. Pis trop fort. Juste le goût de brailler. Dafuq qu’un enfant de cinq ans vient me chercher profond de même. M’a aller m’excuser.» 

M : Oh sista, I feel you. C'est parce que tu l'aimes et tu veux all the best.

V : Ouin. Sérieux, tu penses jamais qu’une affaire qui vient à peine d’apprendre à se torcher les fesses pourrait autant te prendre par les viscères et te sucer toute la patience du corps.

M : Mais sérieusement, tu penses que je vais me faire réveiller combien de fois. Shoote-moi un chiffre.

V : M’a dire zéro fois. J’ai pas le goût que tu te fasses réveiller. Mais y’a des chances que ce soit deux ou trois. Ça te fait quoi en-dedans quand tu te fais réveiller?

M : Pu rien. Je pense que je suis un peu morte en-dedans. Mais pas morte triste, plus comme zombie. C'est-tu encore trendy les zombies?

V : J’pense que oui. M’a te dire que oui. Si on veut s’encourager, t’sais, se dire qu’on devient insensible, c’pas si mal. Ça veut dire qu’on pourra traverser beaucoup de choses. «On ne naît pas insensible, on le devient» (tudum tssss).