Être enceinte, c’est devenir une maison mobile. Se balader tel un campeur avec ben des expansions. C’est être comme tous ces chantiers de construction à Montréal en préparant un nid douillet. C’est fabriquer mon plus beau travail d’arts plastiques ever.

Être enceinte, c’est être avec son bébé 24 heures sur 24. Le sentir, le flatter, le protéger chaque seconde. Une fois le camping fini, je ne pourrai plus. Avez-vous déjà pensé à l’immense privilège que l’on a?

Je trouvais ça long et plutôt plate au début. Depuis que j’ai tapé les 20 semaines, je suis connectée au boutte. «Tu bouges, dis?» «Tu es réveillée?» «Tu te retournes?» Avouez. Cette connexion est franchement spéciale et primordiale pour que déjà, on s’attache.

On a déjà nos patterns. Vers les 20 h 30 chaque soir, je suis un dance floor pour madame. La Nadia Comaneci de l’utérus se fait aller toujours à la même heure. Aussitôt que la grosse patte d’ours de son père est posée sur ma bedaine, c’est l’heure du slow. Elle a raison; aucune place n’équivaut aux bras de cet homme pour se calmer. 

Plus les semaines avancent, plus j’apprécie. J’essaie de la faire sursauter quand elle a le hoquet. Je lui fais écouter de la musique, beaucoup de musique. Je la juge un peu, j’avoue, quand elle bouge plus pendant le show de Lionel Richie que celui de Justin Timberlake. Je lui raconte toutes sortes de choses.

Et puis fuck it, je le dis, je suis en symbiose totale. Je ne voulais pas employer ces mots-là. Je les trouve clichés, trop intenses, voire cucul, mais ils sont vrais. Que je me balade n’importe où, elle est là. Elle réagit. Sursaute. Je peux la tapoter et la déranger. Quand je ne suis plus du monde, d'un caractère de chien, la voilà qui swingue, me ramenant illico le sourire et la légèreté. Elle est là; elle fait partie de moi. Parfois, dans les moments d’angoisses intenses et déboussolants, ceux où je me dis «Dans quoi je me suis embarquée?» on dirait que c’est elle qui me flatte pour me dire que tout ira bien. 

Je nous trouve franchement chanceuses, mesdames. Je ne crois pas m’ennuyer du contenant, mais beaucoup du contenu. Une proximité démesurée qui prendra fin à 40 semaines pour faire place à un laisser-aller continu. 

Josiane a justement écrit sur son ventre vide ICI. Avez-vous le même feeling?