Je suis tombée enceinte de mon fils à 17 ans. C’était à quelques mois de mes 18 ans. J’avais pris une année de congé après le secondaire un peu par hasard, concours de circonstances, entre peut-être aller à Katimavik, finalement déménager à Montréal, suivre un beau brun qui m’a ensorcelée avec sa guitare.
 
On a gardé le poulet probablement conçu dans les oublis de pilule. Après 8 mois d’existence de la bestiole, je découvrais le monde magique et troublant de la monoparentalité. Une belle histoire, n’est-ce pas? Cela dit, j'étais débrouillarde et tout, fiston n’a jamais manqué de nourriture ni de jouets, ni de bonhommes à la télé le matin, ni d’un lit douillet. Maintenant il s’en va sur ses 7 ans, et une enfant conçue sur une pilule plutôt bien prise s’est ajoutée 2 ans et demi plus tard.
 
Me voilà donc maintenant à 25 ans, 2 enfants à l’école, 3 beaux-enfants ados et un vieux chum en informatique.

Source : Anne B-Godbout
Crédit photo : Anne B-Godbout

                                                            
Qu’est-ce que ça aurait été si j’avais dit non au petit bâton en plastique qui montrait deux lignes bien claires? Si ma mère en larmes au téléphone avait réussi à me convaincre que c’était une mauvaise idée? Où est-ce que je serais maintenant?
 
Je m’imagine avoir terminé ma médecine l’an passé. Ça m’intéresse la médecine. Mais t’sais, faut nourrir les enfants et tout maintenant. Il faut passer chaque jour à penser à sa vie en triple, et que la boule au fond de notre ventre soit la dernière à être considérée. Il faut que les enfants soient bien, qu’ils sentent qu’on se sent bien, que leur univers soit stable, qu’on soit heureux en leur présence, qu’ils mangent tous les groupes alimentaires, qu’ils soient gentils et ouverts face à leur prochain, qu’ils ne soient pas les enfants qui disent haut et fort que les gens sont obèses à l’épicerie, qu’ils soient serviables, qu’ils aident. Qu’ils disent «s’il vous plaît», au moins. Surtout, tu pries chaque jour d’arriver à leur montrer ça, pour envisager le futur toujours avec le sourire.
 
Et d’autres jours ça fait peur de penser qu’ils grandissent rapidement, quand on n'a connu que ça. Qu’est-ce que je ferai à quarante ans quand ils auront besoin de moi seulement pour mon argent?  Qu’est-ce que je deviendrai sans enfants de qui m’occuper? Qu’est-ce qu’on est quand on n'a que soi?
 
Comment vous sentez-vous en imaginant le jour où vos enfants quitteront le nid familial?