Pourquoi t’as plein de tattoos, maman?
Ah, cette fameuse question du tatouage. Petite, elle tentait de me les laver en bavant des litres de salive dessus, plus tard, elle a essayé de les gratter. Elle a été sidérée d’apprendre qu’ils seraient sur moi pour toujours et n’a absolument pas compris l’intérêt de la chose, comme bien d’autres personnes. C’est une question délicate à se faire poser, que ce soit par un petit ou un plus grand, dans mon cas.
Mes tatouages ont tous une signification particulière, marquent avec de l’encre des blessures et des guérisons qui imprègnent mon âme et je les voulais exposées pour ne pas les oublier, parce que j’ai besoin de me souvenir toujours d’où je viens, par où je suis passée. J’écris et je me fais tatouer, voilà ma mémoire.

J’ai aussi beaucoup de tatouages parce qu’ils ont été un moyen d’exorciser une douleur intérieure trop forte, j’ai voulu souffrir pour ne pas me blesser autrement, rendre la mutilation esthétique et socialement acceptable.

Mais comment dire tout ça à une enfant de cinq ou six ans?

«Ils représentent des moments importants de ma vie, des moments que je voulais être certaine de ne pas oublier.
- Mais tu peux t’en souvenir avec ta mémoire, non?
- Ouf, tu sais… Rappelle-toi comment tu me bats au jeu de mémoire!
- C’est vrai que t’es pas très bonne mais c’est pas grave.
- Tu vois! Et puis, je les trouve jolis, pas toi?
- Moui, mais on dirait que tu portes toujours des vêtements.»

Ha! Mes plus gros tatouages sont cachés et quand je retire des pelures, on remarque qu’une bonne partie de mon dos est colorée, mes côtes du côté droit aussi; elle n’a pas tort, je ne suis jamais nue, toujours vêtue de ce passé que je ne veux pas renier, mais dont j’ai dû me séparer. Les tatouages ont aussi servi à ça, ne pas oublier mais pouvoir passer à autre chose, regarder les évènements de l’extérieur, sans leur permettre de rester en moi et susceptibles de me ronger.

«- C’est vrai, t’as raison, mais j’aime bien ça et regarde, si je me tourne de ce côté-là, on dirait que j’en ai presque plus! Je suis encore toute toute nue d’un côté au moins.
- Papa a un tatouage pour moi, mamie Jo aussi… Toi, t’en as un pour moi?»

MERDE MERDE MERDE. La vraie réponse à cette question est non et je me suis sentie le besoin de me justifier : j’ai plus de tatouages que son père et sa grand-mère réunis, mais aucun pour elle, c’est vrai que vu comme ça, c’est étrange un brin. 

- Tu sais mon amour, t’as laissé des marques sur moi, toi aussi. C’est juste qu’elles sont tellement grosses, tellement belles et tellement extraordinaires qu’aucun tatouage n’y rendrait assez hommage. Et puis, papa a déjà pris la meilleure idée de tattoo pour marquer toi, je saurais pas quoi faire pour être aussi cool que le sien.
- Fais-toi tatouer un ange!
- ... »

Avez-vous des tatouages? Vos enfants y réagissent comment?