Tout le monde connait une jeune maman. Elle est toute mignonne et naïve, avec son bébé dans les bras et ses 19 ans à peine sonnés. Elle fait son gros possible, tout le monde hoche la tête avec sollicitude en la voyant prendre soin de son bambin chéri. On l’encourage à finir ses études quand même, on lui donne 20$ parfois pour s’acheter un peu de bouffe, mais ils sont touchants elle et son chum à calotte, ils essayent fort de joindre les deux bouts et d’acheter des kits qui matchent à la prunelle de leurs yeux. Parfois elle se fâche parce qu’il joue à des jeux vidéo ou qu’il sort prendre une brosse avec ses amis du hockey à la place de l’aider avec le bébé. Elle se sent seule, les seins pleins de vomi et ses devoirs à finir pour le lendemain.
 
On la connait tous. Je l’ai même été, cette jeune maman. Je suis encore une jeune maman, j’imagine? Je suis à l’âge où le monde ‘ardinaire’ fait ses enfants. Les gens ne s’imaginent plus que j’ai eu fiston à 18 ans, ils me donnent simplement 5-10 ans de plus que mon âge réel. Je suis une jeune maman qui a vieilli.
 
Mon corps et ma tête vieillissent, au même rythme que mes enfants. Et j’ai remarqué avec effroi que mes idées ont vieilli aussi. Je me suis surprise à presque porter un jugement sur le choix d’une jeune maman de garder son bébé. Parce qu’elle est en secondaire 5, encore chez ses parents, parce que je vois bien que le père du bébé n’est pas prêt à devenir responsable du jour au lendemain. Parce que je vois sur son chemin toutes les embuches qui l'attendent. La déception d’avoir cru en un homme... un garçon. Les portes qui se ferment devant elle. Les échecs scolaires parce qu'elle a trop manqué de cours à cause de son bébé malade, n'ayant aucune famille proche pour lui donner un coup de main. Sa cote R irrécupérable, les dettes s’accumulant, les pleurs, toute seule dans son lit à avoir peur de regretter son choix un jour.
 
J’ai été cette jeune maman. Je ne saurai jamais ce que ma vie aurait été sans eux. Mais j’aimerais dire à cette jeune maman que ce ne sera pas très long (même si parfois, ça semble éternel…) et tout ira mieux. Son bébé aura un beau-père (ou une belle-mère!) incroyable qui compensera pour toutes les horreurs du monde, elle finira par se trouver une bonne job, s’émanciper, s’épanouir, et elle aura un regard sur la vie que les autres n’auront jamais la chance d’avoir. Et son bébé, c’est le plus beau, alors elle a bien fait de le garder.

 19 ans et bébé Loulou dans notre appartement miteux de la rue Ontario.
Crédit photo : Anne B-Godbout.

Avez-vous eu peur parfois, les jeunes parents?