Ma mère vient de fêter son 60e et pour l’occasion, au cours des dernières semaines, elle nous a fait suivre une série de photos de son parcours — ce processus lui était nécessaire pour passer le cap des 20 x 3.

Des moments du quotidien aux grandes occasions, on y voit les arrières-grands-parents, les grands-parents, les tantes, les oncles, les bébés, les enfants, les cousins et tralala, les étés en famille, le bord de l’eau, la petite école, les mariages, les baptêmes, les fêtes, la cabane à sucre, les bûcherons, le jardinage, les habits du dimanche. De sa naissance à son soixantième, beaucoup de souvenirs sont réunis.

Dans la panoplie de clichés, je suis tombée sur cette image (en-tête du billet). On y voit ma grand-mère, toute jeune, et ma maman, bébé.

Je m’y suis retrouvée. (J’ai les mêmes yeux que ma grand-mère.)

Ma bébé-mère, l’aînée, y a à peu près l’âge de ma propre fille en ce moment. Grand-maman en porte déjà un deuxième — qu’elle perdra après avoir accouché. Les temps étaient durs, la famille, grande. Après avoir eu 8 enfants, 7 vivants, Mâmâ, de son vrai nom, a pu enfin accrocher ses patins d’enfanteuse.

Mâmâ a élevé, presque toute seule, et sur un salaire maigre de «maîtresse d’école», sa marmaille. Elle a calculé toutes ses dépenses et les a minutieusement écrites, semaine par semaine, dans des cahiers qui l’auront suivi toute sa vie. Elle aura montré à ses six filles comment devenir des femmes autonomes et libres au moyen d'un féminisme brut et d’action, elle aura montré à son garçon, le bébé, comment devenir un homme, puisque son papa était plutôt absent. Elle a navigué les eaux du pas-assez et elle s’est toujours débrouillée; elle a cousu des vêtements pour ses enfants et pour leurs poupées, elle a bricolé avec eux pour créer des maisons imaginaires et fantastiques à partir de catalogues Sears et de boîtes de bananes Chiquitta, de la farine et de l’eau en guise de colle et des feuilles lignées de couleurs pour créer des murs. Elle leur a enseigné, comme au reste du petit village beauceron, des leçons, mais aussi des valeurs, des vraies. Elle a bûché fort et a même fini son éducation universitaire au fil des années, par les soirs et les fins de semaine.  

Pilier de sa communauté, connue et aimée de tous, elle était une pionnière, une force sans égale. Quand je pense à elle, ça me donne du courage.

Mâmâ, tu me manques. J’aurais tellement aimé partager avec toi mes découvertes avec Bébé-Fille. J’aurais tellement aimé que tu puisses la connaître. J’aurais voulu entendre tes conseils et tes histoires qui racontaient comment tu faisais, toi. L’accueil que j’ai senti autour de ta table, cet espace de partage et de confiance que tu as créé pour nous, je l’apprécierai toujours et je m’efforce de l’intégrer dans ma propre vie.

Je me dis que je suis tout de même très chanceuse, car ma petite maman est encore là. Cet espace de conversation, sans jugements, je le retrouve également avec elle. Avec ma chère amie, ma mère.

Merci à vous deux, mes femmes-modèles. Vous m'avez donné un legs unique et très riche que je transmettrai à ma petite fleur.

Vos femmes-modèles font-elles partie dans votre entourage?