« J’aime pas lire », m’avoue l’ado (nous sommes entre les rayons de la bibliothèque où je travaille). « J’aime pas lire, je fais quoi ? », reprend sa voix timide et mignonne. Je l’aime, cette question-là.

Parce qu’ensuite, on se lance. On cherche ensemble, à coups de questions et de réponses et de bouts de discussion, le livre-levier, celui qui lui donnera le goût de progresser en lecture.

La plupart du temps, c’est parmi les titres de La courte échelle que je choisis. Parce que c’est par là que j’ai commencé. Moi et ma dyslexie, nous avions bien du mal avec les romans de la comtesse de Ségur. Mais dans ceux de Charlotte Gingras, de Sonia Sarfati, de Ginette Anfousse, houlala, je me reconnaissais. 

Et aussi parce que, depuis le temps (la maison célèbre ses 35 ans), je sais que l’entreprise a su garder l’audace d’offrir des livres pas juste trendy. De la littérature pas juste de poulette ni de la dystopie, parce que ça marche! Non, des titres variés et de qualité. Du roman d’aventure, du suspens, de la science-fiction, des romans-miroir, des albums, et même de la poésie! (héhé!)

Parfois, j’arrive à trouver LE bon livre. Mais, parfois, aussi, je me trompe. Alors, je reprends. On continue, on essaie. On saute du roman policier au roman fantastique. On explore les albums. On jase. 

Crédit photo : La courte échelle/www.courteechelle.com

Une littérature du marché

Avec la faillite de La courte échelle, j’ai peur. J’ai peur qu’il soit désormais trop cher d’offrir de la littérature qui ne réponde pas nécessairement aux règles du marché. 

En littérature jeunesse, les maisons d’édition sont nombreuses, oui. Juste au Québec, plus de 800 titres paraissent chaque année. Mais elles sont plusieurs à offrir un peu la même chose. Et elles n’ont pas l’indépendance d’une sommité. 

Bref, j’ai peur qu’on se mette à acheter des livres comme on choisit des vêtements, en fonction de ce qui ce qui est wow!

 

Le « J’aime pas lire » des adultes

Un « J’aime pas lire » prononcé par un enfant ou un adolescent, c’est presque cute. Mais venant d’un adulte, c’est grave. Pourtant, moins de la moitié des Québécois lisent régulièrement (46 % des Québécois, d’après le ministère du Patrimoine canadien). Tandis qu’au Québec, on ne dépense que 37,10 $ par année pour l’achat de livres, en Ontario, on en dépense 56,16 $; en Colombie-Britannique, 48,62 $.

Si on avait voulu que La courte échelle continue ses activités, il aurait fallu beaucoup plus que le sociofinancement de la journée « Le 12 août, j’achète un livre québécois ». Il aurait fallu que cette date n’existe pas, tant ce serait naturel pour nous, parents, de soutenir notre littérature, notre culture, notre économie.
 
Au final, peut-être que La courte échelle a vu trop grand. Le marché du livre et ses récentes bourdes (l’insolvabilité de Messagerie de presse Benjamin) ont peut-être malmené une édition déjà fragilisée. 

Le problème n’est peut-être pas (ou peu) là. Le problème est qu’on ne lit plus. Nul besoin de savoir lire entre les lignes pour le constater.

De votre côté, est-ce que la faillite de La courte échelle vous attriste (ou pas)? Achetez-vous des livres québécois?