Je me souviendrai toujours du film Fais de l’air Fred, de cette fille et de son insupportable ami imaginaire. Fred était surexcité et me mettait mal à l’aise. C’était la première fois que j’étais exposée au concept. J’ai vu le film, puis je l’ai oublié.
 
C’est ce que je croyais. Mais quand mon fils m’a présenté Hengku, débarqué directement de son monde imaginaire, l’image de Fred a tout de suite surgi dans ma tête et pour la première fois, je lui ai trouvé un petit quelque chose d’attachant. J’ai vu un peu de tendresse derrière ses expressions malignes. J’ai vu ce personnage qui se permet de tester toutes les limites au nom de l’enfant qui n’ose pas le faire.
 
Ça m’a attendrie. Et ça m’a fait peur aussi. Après tout, Fred n’inspire pas la sérénité!

Une idée des airs de Fred!
Crédit : movies.film-cine.com

Semble-t-il que les amitiés imaginaires naissent généralement entre 3 et 5 ans. Celles de mon fils sont arrivées un peu avant ses 2 ans. En même temps que le terrible two!
 
Hengku, donc, est apparu dans nos vies quelques mois après Loéo. D’abord plutôt timide, il nous rendait visite occasionnellement. Étonnamment bien discipliné, il n’était pas trop envahissant.
 
Cette apparence de bonne conduite n’était que le résultat de sa gêne, car bien vite, Hengku a trouvé ses aises parmi nous. Il venait jouer de plus en plus souvent, s’invitait à souper, etc. Il a même commencé à venir accompagné de Bembé.
 
Un jour, Hengku est devenu pas mal moins cool. De partenaire de jeu, il est devenu leader négatif et incitait Fiston à s’opposer à TOUT ce qu’on disait…

-     C'est l'heure du dodo! Viens mon loup, on va s’habiller.
-     Hengku y dit de pas dormir.

-     Viens mon loup, on va s’habiller.
-     Hengku y veut pas.
-     Peut-être, mais c’est pas Hengku qui doit s’habiller, c’est toi.
-     Non mais Y FAUT PAS que je m’habille!
-     Comment ça?
-     C’est Bembé qui dit ça.
 
Je me suis mise à parler à voix haute à ces 2 petits délinquants. Je leur expliquais les situations, les conséquences. Je les chicanais et je les invitais à souper. Un soir, j’ai même « téléphoné » à leurs parents.
 
Le crescendo de l’amitié timide vers le trio de l’exaspération s'est échelonné sur un peu plus d’un an. Hengku a disparu aussi subitement qu’il est apparu. Un soir, alors que je venais de mettre Fiston au lit et qu’il se relevait une énième fois en s’inventant une raison de le faire, il m’a appelée à sa porte. Je m’attendais à l’habituelle envie de faire pipi, de boire, d’enlever ses bas, de remettre ses bas… Bref, à tout sauf ça. Du haut de ses 3 ans, il m’a annoncé, le plus sérieusement du monde :
 
-     Maman. Hengku y est mort.
-     Mort! Comment ça mon loup?
-     Ben. Y est mort, là. Y est parti dans le ciel. Avec pépé pis grand-papa Claude. 

Son expression semblait grave sans être triste. J’étais bouleversée par ses propos, qui me paraissaient trop lourds pour toute sa fragilité enfantine. 
 
La mort de Hengku m’a fait de la peine. Elle emportait avec elle une partie de mon petit garçon. Pour toujours.

Avez-vous déjà eu un ami imaginaire? Et vos enfants? Quelle place occupait-il dans vos vies?