Je me rappelle très bien la première fois qu’on s’est vus.

J’attendais ton papa devant chez lui, devant chez vous. J’étais assise dans une de ses chaises orangées quand vous êtes arrivés. Ce n’était pas prévu qu’on se rencontre cette journée-là. Ce n’était pas prévu que je rencontre ton père quelques mois plus tôt non plus.
Ton papa s’approchait de moi, avec sa démarche si caractéristique, si assurée. Il m’a regardée en coin, me lançant un sourire. Puis, je t’ai aperçu derrière lui, petit caneton, ou plutôt petit « poulet », comme aime t’appeler ton papa. 

Au début, tu t’es caché derrière papa. Tu étais un peu timide. Mais dès que je t’ai posé une question sur ton jeu, que tu tenais dans ta main, tu t’es délié la langue. Et c’était parti. Ton père m’a dit, quelques semaines après cette journée, à quel point me voir avec toi le faisait retomber en amour avec moi. À quel point, lui et moi, ça avait été un coup de foudre et qu’il semblait se passer la même chose avec toi. Visiblement, vous avez le même goût pour les femmes.

Plus tard, quand tu nous as entendus parler d’un livre, papa et moi, tu m’as demandé : « Le livre que tu as écrit pour moi? ». Je n’ai pas osé démentir. J’ai dit « oui ». Après tout, c’est bien grâce à ce livre si ton papa et moi, on s’est rencontrés. Et que toi et moi, on est entrés dans la vie l’un de l’autre.

Tu sais ce qui me chatouille le cœur chaque fois que je te regarde? Le fait que j’aie manqué les sept premières années de ta vie. Même si je sais que tu as été ô combien entouré d’amour et d’adultes aimants, comme c’est toujours le cas.

Tu me réconcilies avec le rôle de parent, même si « je ne suis que ta belle-maman ». Un jour, sûrement, tu auras un petit frère ou une petite sœur. Et hors de question qu’on ajoute le mot « demi » devant.