Trois ans, deux mois et dix-sept jours. Parfois, je conjugue le temps pour me donner l’impression d’en avoir eu plus avec toi.
 
Ta petite-fille a vu le Père Noël aujourd’hui. Elle l’avait vu l’an dernier, mais ça ne compte pas, parce qu’elle ne comprenait pas le concept. Dans sa tête, maman l’avait assise sur un weirdo qui sentait les larmes pis la boisson. Elle avait détesté ça. Mais aujourd’hui, à 2 ans et huit mois, elle sait c’est qui, le Père Noël. Réalises-tu que c’est son troisième temps des Fêtes ?
 
Cent soixante-sept semaines et cinq jours.
 
On était au Carrefour Angrignon, dans la file d’attente pour chiller avec Monsieur Noël. Livia regardait partout, montait sur la grille en disant « Moi va voir Koël ! ». Mon cœur n’arrêtait pas d’exploser. Mais mon party émotionnel n’était rien comparé à celui de Lili lorsqu’elle a entendu le premier « HO ! HO ! HO ! ». Elle était… c’est quoi, le mot plus fort que contente? En tout cas, elle était le-mot-plus-fort-que-contente. Je ne pouvais plus arrêter de la regarder. Pis là, c’est devenu weird.
 
Mille cent soixante-quatorze jours. 
 
Je DÉTESTE pleurer. Je ne supporte pas le drama. Quand un drame survient, moi, j’fais des jokes de pet. Comme toi, qu’on m’a dit. Mais quand Livia s’est illuminée à la vue du Père Noël, mes yeux se sont remplis de larmes, au point où j’ai dû faire semblant de chercher quelque chose en dessous de la poussette de ton petit-fils. C’t’ait pas c’jour-là que l’monde allait commencer à m’voir brailler, encore moins à côté d’un carrousel festif. Je ne comprenais pas pourquoi je pleurais, jusqu’à ce que je regarde le carrousel à côté de la file d’attente. À l’intérieur, que des petites filles. Avec leur papa.
 
Un million six cent quatre-vingt-dix cinq cent soixante minutes. 
 
Je pleurais parce que j’aime terriblement ma fille. La voir heureuse me rend le-mot-plus-fort-que-contente. C’est mieux que tout, pis je veux toujours être là, vivante, juste pour la voir sourire.
 
Cent un millions quatre cent trente-trois mille six cent secondes. 
 
Je me demandais pourquoi tu n’avais pas ressenti la même chose avant d’appuyer sur la détente. Je ne te rendais pas assez heureux, Papa? Mon sourire ne te faisait rien? M’as-tu emmenée voir le Père Noël ? Peut-être que tu n’avais pas eu le temps parce que, t’sais, t’étais pas mal occupé lors de mon troisième temps des Fêtes, avec ton « gros projet de voyage » le 20 décembre, pis toute.

Peut-être qu’il m’aurait fallu plus que trois ans, deux mois et dix-sept jours pour te convaincre de rester. Qu’est-ce que j’ai fait, ou pas fait ? Tu aurais pu, tu aurais DÛ demander de l’aide. J’ai l’impression que tu as volé quelque chose à ma fille en me volant mon père. Sa rencontre avec le Père Noël n’aurait pas dû me faire penser à toi, à moi. Elle ne s’est aperçue de rien, mais still, moi, je saurai toujours que malgré les apparences, j’ai redirigé son beau moment vers moi. J’ai vu en elle la petite fille que j’étais. La petite fille qui ne comprendra jamais pourquoi son Papa a décidé de partir pour toujours.

(Insérez votre joke de pet ici)