Après coup, je réalise que (pour moi) le choc du 7 janvier 2015 a été pire que celui du 11 septembre 2001.
 
J’étais tranquillement en train de faire mon café quand j’ai appelé ma chum qui m’a annoncé le trémolo dans la voix que tout le monde de Charlie Hebdo venait d’être fusillé (comme sur un peloton d'exécution).
 
« Charb est mort, Emilie! »
 
QUOI ?
 
Depuis 24 heures, je suis comme sciée en deux.
 
Je suis terrassée par ces abrutis endoctrinés qui croient détenir LA vérité. Ces imbéciles heureux enragés qui pensent qu’en tuant des gens, ils peuvent tuer l’idée. L’idée est immatérielle. Elle NE PEUT PAS être tuée.
 
Si l’attaque du World Trade Center en était une contre un symbole économique de l’Amérique, celle du Charlie Hebdo en est une contre la liberté de parole, contre la liberté de penser, contre la liberté de s’exprimer.
 
ILS ONT TUÉ DES CARICATURISTES ET DES ÉCRIVAINS! Leurs armes (leur seules armes) étaient des crayons. Ils dénonçaient avec leurs plumes vitrioliques des réalités, des idées, des dogmes, des politiques. Ils le faisaient avec des mots, avec des dessins, pas avec des kalachnikovs.
 
Ces gens, qui sèment la terreur, sont des malades. Malades dans leur tête parce qu’ils sont incapables de se remettre en question. Incapables de prendre 2 secondes pour se demander si… Si tout cela est juste. Si tout cela est bien (dans le sens large du thème), pas dans le sens d’une seule idéologie.
 
Depuis 24 heures, j’ai lu des horreurs.
 
J’ai lu des phrases toutes faites, de ces lieux communs qui ressortent quand rien d’intelligent n’est dit, quand la réflexion n’a pas dépassé le bout du nez.
 
Paraît qu’on récolte ce que l'on sème. Ah ben! Selon cette logique, ce sont des mots que la gang du Charlie Hebdo auraient dû recevoir, pas les balles d’un fusil.
 
J’ai lu, entendu des phrases débiles qui commencent par « Les Arabes bla, bla, bla. » On va s’entendre sur une chose, là. Les Arabes, ce sont les gens qui parlent arabe qui sont de culture arabe. Ils peuvent être chrétiens, musulmans, athées et venir de partout dans le monde. Ok. Aussi, l’Islam. La religion musulmane n’est pas LE problème. Les cons, eux, le sont, le putain de problème.
 
J’exècre les généralités. Tous les blancs ne sont pas comme ceci. Tous les noirs ne sont pas comme cela. Tous les asiatiques non plus, pas plus que les arabes, les autochtones, les scandinaves, name it

Ces raccourcis de pensées sont tous aussi dangereux que ceux des extrémistes qui posent des bombes et qui tuent à bout portant.
 
Non, je n’exagère pas. L’intolérance engendre l’intolérance. La méconnaissance de l’autre et la fermeture d’esprit aussi.
 
Sur ce, je vais retourner préparer mes cours de la session d’hiver.
 
Des fois, le hasard est bien fait (ou mal fait). Il y a quelques semaines, j’avais décidé de commencer la session en enseignant L’Espèce fabulatrice de Nancy Huston. Ouain… L’être humain, cette espèce animale qui se raconte des histoires et qui y croit dur comme fer. Ouain… Cette espèce qui peut aussi, en lisant les histoires des autres, ouvrir son esprit et devenir tolérante.
 
J’ai aussi pensé aux Identités meurtrières d’Amin Maalouf. La session prochaine, peut-être.
 
Pour 2015, je vous souhaite à tous de la tolérance et de l’ouverture d’esprit. C’est égoïste, je sais. J’aimerais bien que mes fils grandissent dans un monde ouvert et tolérant.
 
Je suis une utopiste.
#JeSuisCharlie

Charlie Hebdo, novembre 2011, publication après que leurs bureaux aient été incendiés.
Crédit : The Globe and Mail