C’est samedi soir, je reçois des amis pour souper. Nous parlons de nos enfants, de notre rôle de parents en buvant du vin. Parmi les invités, un couple d'amis gai. Ils manifestent leur désir de devenir pères. Ils pensent à adopter. Au Québec, les délais sont longs, très longs. À l'international, leur couple homosexuel risque de rencontrer des difficultés en raison des règles qui prévalent dans certains pays.

« Et si j'étais votre mère porteuse? »

La fois où j'ai voulu être mère porteuse

J'ai déjà un enfant. J'ai eu une grossesse facile, mais je ne l'ai pas vécue dans l'allégresse. J'ai peu de photos de moi enceinte, je me suis sentie épanouie, mais cet épanouissement n'a pas été partagé avec autant d’enthousiasme par mon conjoint. Je voyais donc dans cette situation de mère porteuse l'occasion d'être à nouveau enceinte, de triper bedaine, sans avoir à « élever » un autre enfant. Voilà pour la partie égoïste. Par contre, ce qui m'allumait davantage, c'était d'offrir l'opportunité à mes amis de réaliser leur rêve de devenir parents. C'est tellement merveilleux avoir des enfants!

Nous en avons beaucoup parlé.

- Comment tomberais-tu enceinte? On n'a pas envie de faire l'amour avec une femme...
- On pourrait prendre votre sperme, les spermatozoïdes de l’un ou de l'autre, à votre convenance et je me ferais inséminer!

- Et pour la grossesse? Est-ce que tu voudrais qu'on te paye? Qu'on t'achète des vêtements? Qu'on couvre tes frais?
- Je vois ça comme une grossesse normale. Pas question que je reçoive de l'argent pour rendre service à des amis, voyons.
- Quel serait ton rôle auprès de notre enfant? Comment vois-tu ça?
- Je renoncerais à tous mes droits de mère, je pourrais être en quelque sorte une matante spéciale!

- Et comment expliquerais-tu ça à ton entourage?
- Simplement : je rends service à des amis qui ne peuvent pas avoir d'enfants.
Jusqu’ici, tout me semble siiiiii facile et réalisable…

- Et pour ton enfant?
- ...

Comment expliquer à mon enfant que sa maman allait avoir un bébé, mais que ce bébé ne serait pas son frère ou sa soeur? Mon enfant qui en rêvait tant, le demandant au Père Noël et en cadeau d'anniversaire!

Et j’ai relu mon journal de grossesse. Les mots qui s’alignaient dans ce cahier témoignaient d’un grand bonheur, d’une fusion avec mon corps, mon bébé à naître. Je lui parlais, lui chantais des chansons, je m’y suis attachée dès le résultat du test de grossesse. Et si je fusionnais autant avec ce bébé? Est-ce que je serais déchirée à l’idée de m’en séparer? Est-ce que je tomberais dans le pire baby-blues que la planète ait connu? Et si la grossesse ne se passait pas bien? Et si je regrettais?
J'ai choké. Après plusieurs jours de réflexion, j’ai reculé.
 
Est-il légal d’être mère porteuse?

Et en m'informant sur l'aspect légal de la patente - je ne voulais quand même pas commettre un crime et aller en prison - j'ai constaté qu'il est bien difficile pour un couple homosexuel masculin d'accéder à la paternité par procréation assistée. Bien qu’être mère porteuse au Québec n’est pas illégal en soi, une entente écrite n’a aucune valeur aux yeux de la loi. La mère porteuse sera reconnue comme mère biologique et l’enfant devra être adopté par le couple même si une entente avait été prise. Et entre vous et moi, la paperasse, c’est de l’ouvrage et des tracas quand tu as un bébé naissant.

Accepteriez-vous d'être mère porteuse, d'avoir une relation sexuelle avec un autre homme que votre conjoint ou de faire don de vos ovules?

P.-S. Pour la petite histoire : mes amis ont fini par adopter et sont de merveilleux parents!