Pour en savoir plus sur le parcours de notre famille avec les allergies alimentaires, les parties 1 et 2 de la série sont ici et ici.

Chers parents,

À ce moment-ci de l'année, vous devez être à court d'idées pour la préparation des lunchs. Surtout avec toutes ces contraintes, dont peut-être celle d'éviter certains aliments auxquels un ou plusieurs enfants sont allergiques. J'aimerais d'abord vous remercier du fond du coeur pour ces efforts qui contribuent à garder ces enfants, dont ma fille, en sécurité.

J'aimerais aborder avec vous à la question suivante :

Bannir systématiquement les aliments allergènes des garderies et des écoles, est-ce la solution?

Il n'y a pas de réponses simples à mon avis.

Les parents d'enfants allergiques vous semblent peut-être en mettre parfois un peu trop? Il faut d'abord savoir que nos enfants sont à risque d'anaphylaxie. Une réaction peut se déclencher et gravement dégénérer en quelques minutes seulement, et ce, pour une simple trace d'un aliment en cause. Il faut le voir pour le croire!

Dans cet excellent documentaire, The Allergy Fix, présenté par David Suzuki dans The Nature of Things, on voit un petit garçon avoir une réaction nécessitant des soins après avoir ingéré seulement 3 mg d'arachides, auxquelles il est allergique (cela se produit vers 18 minutes, mais l'ensemble du documentaire est très intéressant si vous êtes à l'aise dans la langue de Shakespeare). Trois milligrammes, c'est en masse petit pour passer inaperçu et on ne peut pas prévoir à l'avance l'intensité d'une réaction. Donc, assurer la sécurité de nos enfants n'est pas nécessairement une chose simple.

La nourriture ne vole pas. Cet énoncé est vrai, mais j'aimerais faire le point sur cette affirmation. Consommer des aliments allergènes près d'une personne allergique comporte des risques si aucune mesure de sécurité n'est prise en considération. Premièrement, il faut s'assurer d'éliminer les risques de contamination croisée. La contamination croisée revient à exposer indirectement la personne allergique à un allergène par une surface ou des ustensiles contaminés, par exemple (en lire plus ici).

Vous conviendrez que plus on parle de jeunes enfants, plus il est compliqué d'éviter la contamination croisée. Il faut savoir qu'un allergène peut mettre plusieurs heures avant de disparaître de la salive. Si cela pose problème pour les amoureux qui veulent s'embrasser, cela pose aussi problème aux jeunes enfants qui portent tout à leur bouche (on pense aux jouets qui passent de bouche en bouche par exemple). Il est aussi très facile de contaminer une surface ou un objet simplement en touchant avec nos doigts sans s'être lavé les mains avec du savon après avoir mangé.
 

Non, je ne suis pas sale!
Crédit : Giphy

« Dans mon temps… » Nous l'entendons souvent celle-là. Non, quand j'étais petite, je n'entendais pas beaucoup parler des allergies alimentaires à l'école. Non, les allergènes n'étaient pas bannis. Il faut cependant savoir qu'il y a eu une véritable explosion de cas d'enfants atteints d'allergies alimentaires depuis le temps (voir par exemple ici). Selon les statistiques, il est donc fort probable qu'au moins un enfant allergique se retrouve dans le groupe de votre enfant. Mon point n'est pas qu'il ne fallait pas prendre les allergies au sérieux dans le temps, mais bien qu'elles ne peuvent plus passer inaperçues aujourd'hui. Au point qu'on peut dire qu'il s'agit d'un véritable problème de société.

J'aimerais parler au nom de ma fille, mais je ne peux pas. Par contre, je peux vous dire ce que je ressens en tant que maman. J'ai de la peine toutes les fois où elle est la seule à ne pas pouvoir manger ce que les autres mangent. À toutes les fêtes, événements spéciaux et joyeux, c'est toujours elle qui est à part des autres. J'ai le coeur brisé de savoir qu'à l'école, elle devra peut-être manger en retrait des autres, tous les jours, par mesure de sécurité. J'ai peur qu'elle se fasse inviter moins souvent que ses amis aux fêtes d'anniversaire parce que c'est trop compliqué. J'ai peur qu'elle se sente rejetée ou exclue. Et surtout, j'ai toujours cette petite peur, toute petite mais toujours là, qu'il lui arrive malheur. Je sais qu'elle aussi, elle a peur des fois.

Certains pensent que l'exclusion des allergènes pousse les petits allergiques à baisser leur garde. Je ne suis pas d'accord. J'en suis convaincue, la responsabilisation de l'enfant allergique est essentielle. D'ailleurs, ma grande de 3 ans est très impressionnante. Même que c'est parfois elle qui rappelle les adultes à l'ordre et ce, même si ses allergènes sont présentement bannis à la maison comme à la garderie. Par contre, j'aimerais insister sur le fait qu'on ne peut pas demander à un jeune enfant d'être à lui-seul responsable de sa sécurité, voire de sa vie. Il est là, le nœud du problème selon moi. Ma fille sait très bien ce qu'elle peut ou ne peut pas manger. Par contre, pour que les allergènes soient admis de façon sécuritaire, il faut s'assurer que tous soient vigilants, conscients de leur environnement et informés afin d'éviter les situations potentiellement dangereuses.

Je comprends les garderies et les écoles de vouloir se protéger en interdisant les aliments auxquels les élèves sont allergiques. D'un autre côté, on peut être allergique à tellement d'aliments. Certains cumulent malheureusement les allergies par dizaines. Certaines combinaisons sont extrêmes aussi : il suffit d'une allergie aux œufs (mayonnaise) et à la moutarde dans la même classe pour donner de sérieux maux de tête aux parents.
 

Mais qu'est-ce qu'on va mettre dans les sandwichs???
Crédit : Giphy

Pour en revenir à la question, il n'y a pas de réponse unique, à mon avis.

L'âge des enfants influence pour beaucoup. À l'âge où tout va dans la bouche, à l'âge où les doigts sont collants, il est certain qu'il est plus sécuritaire d'éliminer les allergènes.

S'il n'y a qu'un ou deux allergènes à éliminer, ça pourrait s'avérer la solution la plus facile pour tout le monde!

Selon le niveau de confort de tous, selon l'extrême gravité des symptômes d'un enfant en particulier, si des incidents arrivent malgré les mesures de sécurité ou si malgré les démarches, les mesures de sécurité ne sont pas prises au sérieux ou appliquées correctement, l'exclusion pourrait aussi être la meilleure solution.

Je ne m'en cacherai pas, savoir que les allergènes de ma fille ne circulent pas librement autour d'elle est rassurant pour moi et m'aide à gérer mon angoisse. Mais je ne pense pas que l'exclusion systématique des allergènes soit la solution. Je pense que la clé, c'est la communication et la collaboration de tous.

J'espère vous avoir fait comprendre un peu mieux notre réalité, pour qu'ensemble, nous puissions faire des garderies et des écoles des milieux plus sécuritaires et plus inclusifs pour nos petits allergiques.

Encore merci pour tous vos efforts, mon coeur de maman vous est très reconnaissant. En espérant qu'on trouve bientôt la cause de ces allergies pour freiner cette véritable épidémie.
 

Merci!
Crédit :
Giphy

P.-S. La prochaine fois que vous me croiserez chez McDo, vous saurez maintenant que je ne suis pas une freak de la propreté. Si je nettoie toutes les surfaces avant qu'on passe à table, c'est pour éliminer les « évidences » de sauce à BigMac et de peanuts à sundae que des prédécesseurs auraient pu y laisser.
 
 
Croyez-vous que les allergènes doivent être systématiquement bannis des garderies et des écoles?