Je ne lis plus de magazines, parce que je n’ai plus le temps et parce que je trouvais ça vraiment énervant de deviner que les publicités et même les articles voulaient me faire avaler, deep throat style, que tout le monde devrait avoir une cuisine de la couleur de l’année, les souliers de Kim Kardashian et un tiroir rempli de washi tape et de pompons.

Je ne lis plus de magazines, parce que je finissais tout le temps frustrée, à les lire, même dans un bain moussant à l’huile essentielle de rose et de cardamome. Frustrée d’avoir l’impression que toutes les femmes avaient un point G que tous leurs amants connaissaient. Frustrée de ne pas avoir une crème à cinq cents dollars qui serait aussi efficace que du Botox. Frustrée de pas avoir gouté le gravlax du meilleur nouveau resto de la semaine.

Crédit : Adam Mulligan
 

Une culture de la perfection made in les réseaux sociaux

Je sais toutefois que je participe à une culture en ligne semblable à celle des magazines sur papier glacé. Sur Facebook, je ne mets pas de photo de ma cicatrice de césarienne, ni des bagels au jambon que je fais depuis trois jours pour le dîner de mes enfants. J’aime mieux mettre des photos de moi en major décolleté et des photos de mes enfants qui se font des câlins.

Récemment, une copine m’a dit que lorsqu’elle lisait TPL Moms, elle avait la même sensation que moi lors de la lecture d’un Cosmopolitan : elle avait l’impression que la vie de toutes les collabos était parfaite, et donc pas représentatrice du quotidien des mamans-qui-ne-tricotent-pas-tout-en-allaitant-et-en-apprenant-le-japonais-à-leurs-enfants-inévitablement-géniaux.

Être comme tout le monde, une tache d'avocat en extra

Je suis convaincue que personne ici, sur TPL Moms, ne fait semblant d’être la meilleure maman du monde, mais je comprends ma copine. Nous sommes pourtant normales : derrière les rêves Pinterest des collabos, il y a des femmes qui embrassent leur copain, mais qui s’engeulent tous les deux jours ; qui dorlotent leurs enfants tout en ayant très hâte qu’ils dorment enfin sans se réveiller avant midi ; des mamans dont l’ami le plus proche est un clavier d’ordinateur. Ça vous rappelle quelqu’un? Vous? Votre voisine? Une maman croisée dans un café ou dans un parc thématique?

Crédit : Helga Weber

Moi, tous mes vêtements sont tachés de traces de petits doigts au chocolat ou à l’avocat, et je les porte quand même, pas trop contrariée. Mes bas sont troués, parce que je déteste acheter des bas.

Je crie, quand je suis fatiguée, pour toutes sortes de raisons. Je me couche trop tard, même si je suis fatiguée tout le temps.

Je regarde plus souvent une série sur Netflix que je ne lis des essais fascinants (celui sur ma table de chevet présentement : La traversée de la pornographie, Politique et érotisme dans l’art féministe, de Julie Lavigne).

Je commande des costumes de princesse et de loup sur un site chinois, au lieu de les acheter dans la boutique pour jouets de mon quartier.

Mes enfants ne connaissent pas un mot en japonais et ne savent même pas encore chanter l’alphabet.

Se rappeler ce qui importe vraiment

Mes ongles ne sont pas parfaits, ma vie non plus, mais j’ai ce qui m’importe : des crottes de fromage bio dans une boutique ouverte jusqu’à 23h à côté de chez moi, des enfants qui me laissent boire mon café paisiblement si je leur donne accès à des crayons de maquillage, un amoureux qui me trouve cute quand je suis pompette, des amis qui me pardonnent tout : mes gros mots, mes pleurs et les verres que je brise parce que je suis maladroite. 

Qu’est-ce que vous ne révélez pas facilement sur votre vie de maman imparfaite?