Je suis maman, mais je suis aussi infirmière. Infirmière pédiatrique. Ancienne infirmière d'urgence et de néonatalogie. Devenir maman en ayant ce parcours professionnel, c'est un défi mental. C'est devoir faire face à toutes les peurs que mes années d’expérience ont ancrées en moi. Des années à voir le pire, à accompagner la douleur et la détresse, à m’oublier pour mieux soigner.
 
Être maman et infirmière c’est me préparer à voir mon garçon dans les yeux des enfants que je soignerai. Aujourd’hui à presque un an ou quand il aura dix-huit ans.
 
Être maman et infirmière, c’est me faire un devoir de me rappeler chaque jour que je suis chanceuse d’avoir un enfant en santé. Que je serais prête à tout pour qu’il n’ait pas à traverser les mêmes épreuves que mes petits combattants. Que je ne sais pas si je serais en mesure d'avoir le dixième de la résilience des parents que je côtoie aux soins intensifs.
 
Être maman et infirmière, c’est savoir qu’une télévision peut être mortelle pour un jeune enfant. Qu’un brocoli mal avalé peut dégénérer en pneumonie. Qu’un raisin est le fruit le plus traître qui soit. Qu’un simple mal de tête peut être le début d’un vrai cauchemar. Que le cancer, ce n’est pas juste au téléthon. Qu’on n’est jamais à l’abri d’un drame. Jamais.
 
Être maman et infirmière, c’est savoir qu’un enfant malade, ça veut dire une famille malade. Ça n’épargne le cœur de personne; parents, grands-parents, oncles, tantes, amis de la famille. Ça paralyse le quotidien. C'est leur monde qui s'arrête, même si la terre continue de tourner.
 
Être maman et infirmière, c’est aussi d’anticiper la prochaine question d’un parent en sachant que je voudrais moi-même être rassurée sur le sujet. C’est veiller à ce que les parents prennent le temps d’aller manger, dormir et se laver, car je sais trop bien que s‘ils le pouvaient et que si on n'y portait pas attention, ils seraient au chevet 24h/24, jusqu’à tomber au combat eux-mêmes.
 
Être maman et infirmière, c’est parfois pleurer en silence en accompagnant un petit amour lorsque le combat prend fin et qu'il enfile ses ailes pour un monde sans souffrance. C'est courir ensuite à la maison serrer mon petit trésor dans mes bras en remerciant le ciel d'être là, en santé. Un jour, ce fût même de vivre la dualité de soigner jusqu’au bout de la vie en portant moi-même la vie.

Maman et infirmière : quand l'un ne va pas sans l'autre.Crédit: Maxime Côté

L'infirmière amène la maman qu'elle est au travail et rapporte ses connaissances et son expérience à la maison, qu'elle le veuille ou non. Que ce soit parfois positif et aidant ou, bien au contraire, angoissant et négatif.
 
Être maman et infirmière, c’est accepter de se rendre vulnérable pour mieux soigner. C’est assumer que parfois, on est davantage dans la sympathie que l’empathie et que c’est correct ainsi. C’est également avoir un cœur de maman et un cœur d’infirmière qui seront à jamais indissociables. Ils agiront comme des vases communicants, bien malgré moi.
 
En cette journée internationale de l'infirmière, merci à mes amies et collègues qui prennent soin de la population comme de leur propre famille. Merci d’avoir un souci maternel envers les patients. Merci de prendre le temps de faire le petit geste de plus qui adoucit la dureté de l’épreuve. Merci de soigner chaque jour avec autant de cœur. Grâce à chacune de vous, les soins sont plus humains. Par votre exemple, je sais qu’on grandit en étant maman et infirmière et que ces peurs ancrées au fond de moi, je les prendrai pour mieux avancer.
 
À tous mes collègues masculins et superdad, remplacez le mot maman par papa dans ce texte, car je sais que vous vivez tout autant cette réalité.
 
Comment votre travail a-t-il influencé votre rôle de maman?