Il était une fois, de grands enfants. Ces grands enfants-là, ils vivent dans un monde loin du mien. Loin, mais pas si loin. Ces grands enfants-là sont souvent différents de moi. Différents, mais pas si différents. En fait, la seule différence que ces grands enfants-là et moi on a, ce n'est pas une différence. Ils ont une couleur de peau différente de la mienne.

Tu sais Victor, ta maman et moi, on n'a pas la même couleur de peau. Celle de ta maman tire sur le rose très pâle, la mienne tire plus sur le beige (« olive » qu'ils disent, les gens qui bloguent à propos de maquillage). Certaines personnes ont une peau plus foncée, comme la petite Fidji. Tu te souviens, on l'a croisée au bazar l'autre jour? Est-ce qu'elle est vraiment différente? Non. C'est une petite fille comme ta soeur. 

C'est un peu comme la religion. Certaines personnes croient en Dieu, d'autres en Yahvé, d'autres en Mahomet, d'autres en autre chose. Une grosse différence entre ces gens? Pas vraiment. Les croyances, ça appartient à un peu chacun d'entre nous. Comme la couleur de la peau, des yeux, qui on choisit d'aimer. Ça nous appartient. 

Certaines personnes, dans le monde lointain (mais pas tant que ça), ont l'air de trouver que la couleur de la peau ou que la religion, c'est un big deal. Un ben gros big deal. Ces personnes-là (appelons-les les méchants de l'histoire) ont l'air de croire que les enfants, grands et petits, qui sont différents d'eux, n'ont pas le droit d'être des enfants, que leurs rires sont menaçants. 

Dans ce monde lointain là, les gens différents cherchent à vivre. J'ai cherché, mon garçon, une façon de qualifier le mot vivre. Vivre librement. Vivre sans se cacher. Vivre sans la peur. Et puis je me suis dit qu'ils cherchaient simplement le droit de VIVRE. 

Les méchants de l'histoire se sont permis à plusieurs reprises de faire du mal aux enfants différents, parfois plus fort que d'autres. Certains grands enfants ont été humiliés, d'autres ont été brutalisés par des gens qui devraient inspirer confiance et compassion. D'autres grands enfants sont morts. Je sais, c'est ridicule de croire qu'on peut avoir peur de la différence au point de vouloir qu'une autre personne meurt. C'est d'une grande tristesse. 

Vous vous doutez que cette histoire à dormir debout est malheureusement plus qu'un simple conte pour effrayer les enfants. Ça arrive au quotidien dans notre cour, derrière chez nous, passé la belle clôture qu'on a bâtie collectivement pour ne pas voir ce qui se passait de l'autre côté.

Une grande publication qui modère les commentaires d'une personne qui fait valoir son point de vue respectueusement alors qu'elle est « différente » et qu'on laisse des commentaires purement racistes pour faire poursuivre le débat.

Une adolescente en bikini qui se fait brutaliser par un policier qui soupçonne qu'elle serait dangereuse lors d'un après-midi à la piscine.

Des sans-abris qui sont chassés de lieux qu'ils fréquentent de façon très barbare. 

Un jeune homme qui se fait descendre dans un parc parce qu'on croit qu'il serait peut-être armé.

Une vedette (c'est comme ça qu'on pourrait l'appeler) qui, sur les médias sociaux, se moque du sort d'une femme voilée qui est décédée suite à un bête accident. 

Le monde lointain de l'histoire, c'est celui dans lequel mes enfants grandissent. Il n'est pas trop tard pour apprendre de nos erreurs et se prendre en main. La différence, celle qui fait peur, c'est elle qui devrait nous rendre curieux. Curieux de voir comment les autres vivent. Je suis tellement différent des gens autour de moi. Tellement différent, mais tellement semblable. 

Quand on se regarde, on réalise rapidement que ce qui est menaçant, c'est ce qui est inconnu. Pourquoi ne pas développer alors le réflexe de chercher à comprendre ce que représente cet inconnu? 

Les enfants qui grandissent ont les yeux ouverts vers le futur. Nous devrions refuser collectivement de les obliger à fermer les yeux et l'esprit sur les différences qui font de ce monde, une aventure. Faisons en sorte, ensemble, que les méchants de l'histoire n'aient plus d'emprise sur la vie des gens. Faisons en sorte que l'histoire ait une fin heureuse.

En tant que parent, comment avez-vous expliqué, ou comment comptez-vous expliquer les différences à vos enfants?