Mon manque.
 
MARDI SOIR
Cinq soirs que je n’ai pas vu mon grand. Cinq soirs où ce n’est pas moi qui suis allée le chercher à l’école. Cinq soirs où je n’ai pas dit, au moins cent fois, d’arrêter de faire le guignol. Cinq soirs que je ne me suis pas obstinée pour qu’il finisse son assiette. Cinq soirs où je ne lui ai pas répété d’aller se brosser les dents.  Cinq soirs où je n’ai pas chicané parce qu’il a fait sortir la moitié de l’eau du bain…

Cinq soirs où ce n’est pas moi qui lui ai lu son histoire. Cinq soirs où je ne me suis pas émerveillée en le regardant sourire et en me disant : « Qu’il est beau ! » Cinq soirs où je ne lui ai pas chanté sa berceuse. Cinq soirs où il ne s’est pas blotti dans mes bras en me disant : « Maman, je t’aime mille fois toutes les planètes et tout l’Univers. » Cinq soirs où je ne lui ai pas répondu que je l’aimais encore plus. Cinq soirs où je n’ai pas pu sentir la peau douce de sa nuque (celle tout juste sous la ligne des cheveux). Cinq soirs où je n’ai pas passé une main dans ses doux cheveux bouclés en lui souhaitant une bonne nuit, « pas d’puces, pas d’punaises ».
 
CINQ SOIRS...
 
Le cinquième est le pire. C’est celui où le manque est douloureux. Avant, ça se supporte, un peu. Mais le cinquième… Ce soir-là, j’ai mal là où il logeait, il y a si longtemps, de plus en plus longtemps.
 
 
Son manque.
 
MARDI SOIR
Le téléphone sonne.
« Oui, allo!
- Maman. Je m’ennuie de toi.
- Moi aussi, mon amour. Mais on se revoit demain. Ça arrive vite, demain. »
 
On parle encore un peu et on raccroche.
 
DIMANCHE SOIR
« Maman! Je m’ennuie de papa.
- Veux-tu qu’on l’appelle ?
- Oui.
Sonnerie du téléphone
- Papa  Je m’ennuie de toi. C’est trop loin demain. »
 
LUNDI MATIN, EN CHEMIN VERS L'ÉCOLE.
« Maman?
- Oui.
- Pourquoi toi et papa n’êtes plus amoureux?
- … On te l’a déjà dit mon Lapin. Ce sont des choses qui arrivent... Papa et maman s’aiment beaucoup, mais juste… comme des amis.
- Moi, je m’ennuierais moins si vous étiez encore amoureux.
- Je sais mon amour, mais tu as un petit frère, maintenant. Et tu as J. et tu as K. Tu les aimes.
- Oui, c’est vrai. Mais on pourrait tous habiter ensemble.
- Oh mon amour! Malheureusement, c’est plus compliqué que ça la vie d’adulte parfois.
- Mais on pourrait s’acheter une très grande maison…
- Oh mon Lapin d’amour…
 
 
Jamais je ne regretterai la séparation, c’était pour le mieux. Vraiment pour le mieux. Reste que… m’ennuyer de mon fils… Misère. M’ennuyer de lui fait mal. Mon bébé. Mon si grand bébé à moi.
 
 
Comment vivez-vous votre ennui de vos enfants ?