J’aime bercer ma Laure, sentir son coeur ronronner contre le mien et ses petites mains chercher du réconfort contre ma peau. 

Le plus beau des cadeaux que la maternité m’a offert est une vieille chaise grinçante que j’ai fait monter et descendre durant les premiers mois d’existence de mon bébé.

Dans la nuit noire, pour reprendre courage, éteindre le torrent des pleurs, je me suis mise à formuler les paroles des chansons d’hier que maman fredonnait. Les mots et les notes ont déboulé de ma bouche. Comme si ma mémoire pourtant fatiguée avait été gravée à mon insu, burinée par les comptines d’une autre époque, celles formulées par ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère.
 

Crédit : Anne Genest
Laure avec sa maman et sa grand-maman.

Des chansonnettes, really?
Puis, je me suis interrompue. J’ai pris conscience de ce que j’étais en train de répéter à mon petit bébé. Si la mélodie d’Ah! vous dirais-je, maman me semblait aérienne et apaisante, les paroles enfantines ne l’étaient pas du tout. Étais-je vraiment en train d’encourager ma fille à préférer les bonbons à la raison?!? 

J’ai aussitôt changé d’air. Les bribes d’une berceuse créole entendue dans l’émission Passe-Partout me sont revenues :  « Dodo ti-ti-ti maman/ Do o do o do o ti-ti-ti papa/ Si li pas dodo/ Crabe-là va manger/ Si li pas dodo/ Crabe-là va manger. ».
 

Là, encore, ça n’allait pas. Il était hors de question que je mette dans la tête de ma fille l’idée qu’un crabe puisse la manger durant son sommeil. Allô la terreur nocturne! Mais quelle idée avaient eues nos mères d’offrir de telles paroles à leurs enfants?

Ma mémoire a scanné toutes tortes d’autres chansonnettes. Je n’ai pas chanté Je voudrais un mari que pourtant je fredonnais sans m’en lasser lorsque j’étais môme. J’ai épargné son inconscient en espérant que jamais elle ne perçoive le couple comme un endroit où régner, dicter des ordres, dévaluer l’autre. Que dans le futur qui l’attend les conjoints se traitent d’égal à égal.

Et je me suis dit qu’il était grand temps de mettre aux poubelles certaines comptines d’autrefois. J’ai sondé les copines  de notre communauté de moms et nous avons décrété que les chansons Partons la mer est belle et Il était un petit navire proposent aussi des fins trop horribles pour être chantées à des enfants. Dans la première, le plus petit se fait manger par l’équipage; dans l’autre, l’équipage au complet meurt dans un naufrage. Bien d’autres chansonnettes ont fait sourciller notre groupe de mères : 

  • Le petit avocat : le personnage meurt en s’étouffant... 
  • Au clair de la lune : bonjour la métaphore phallique!
  • La chanson du p'tit voilier : le garçon part jouer dans l'étang sans le dire à sa maman.
  • Dors mon gars : la mère chante la noyade du père.
  • Alouette : il est évident que celui dont on plume le nez, les jambes et les pieds est un humain!

Quelles sont les berceuses que vous aimeriez aussi réviser du répertoire des comptines pour enfants?