J’ai failli écrire « fuck you » dans la marge du Petit Robert, édition 1993. Mon infatigable partner m'exaspérait. Mon vieux « Bob » aux pages gondolées à force d’avoir été consulté, déménagé, d’avoir servi de pressoir pour faire sécher des poignées de fleurs se trompait (ou me trompait, je ne sais plus). 

Le putain (s'cusez!) de Petit Gros Robert, l’« Institution », venait de me faire comprendre que malgré mes sept ans d’essais en fertilité, malgré le miracle du bébé qui avait été conçu en éprouvette puis glissé dans mon ventre, je n’étais pas considérée comme une fille féconde. 

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Une grossesse désirée pendant plus de sept ans ne fait pas de moi une fille féconde.
Crédit : Anne Genest

Pour m’accoler l’adjectif, il m'aurait fallu être capable de mettre au monde « beaucoup d’enfants ». Non pas « un peu » ni même « faiblement » (genre, procréer un seul bébé), nenon. L’ouvrage de référence voulait que le terme « féconde » soit attribué aux femmes aptes à donner naissance à une trâlée de mômes. C'est, du moins, ce que stipulait ma bourrique de vieux dictionnaire. 

J'ai parcouru l'article en cherchant une définition qui me convienne, mais l’oncle Bob insistait : « FÉCOND, ONDE : Qui produit (peut produire) abondamment (terre). »

Comment le verbe procréer (et même créer) pouvait-il avoir pour connotation, la productivité? Il me semble que la conception d'une œuvre ou d'un bébé n'est pas une fabrication à la chaîne! Ma fertilité (bien que chimique) est un événement miraculeux. J’ai donné naissance (une fois). N'est-ce pas suffisant? Cela fait de moi une femme qui est parvenue à se reproduire. Une femme riche et débordante, une femme féconde.  

De 12 à 16 % des couples en âge de procréer n'arrivent pas à concevoir un bébé, selon Statistique Canada. Ce taux n'était que de 5 % en 1984. L'infertilité est en hausse. Dans un tel contexte, ne vaudrait-il pas revoir certaines notions du dictionnaire? 

Que pensez-vous du terme « fécondité »? Est-il important? Et quel sens devrait-on lui accorder?