J’ai passé la moitié de ma vie à apprendre à aimer mon corps. Juste ça. Pendant plus de 10 ans, j’ai vécu avec cette épée de Damoclès au-dessus de ma tête – épée que je me suis moi-même imposée, il va s’en dire. C’est un peu triste quand j’y pense, mais c’est une réalité tellement présente.
 
Et je ne vous parle pas de ce moment béni (not), où j’ai réalisé, à 15 ans, que perdre du poids m’apportait de nouveaux amis. Dans mes yeux, je n’étais pas assez mince, pas suffisamment athlétique. J’avais des seins un peu trop petits, que dire de mes hanches un peu trop larges et de mes fesses plus ou moins fermes. Perdre du poids à cet âge, parce que tu fais du sport et que la pilule contraceptive n’est même pas encore dans ton imaginaire, c’est facile. Le problème, c’est quand la force des choses t’oblige à te contrôler et quand cette force des choses se transforme, bien malgré toi, en «  besoin ».
 
Ça m’a pris du temps pour simplement m’aimer. C’est plate à dire. J’ai vieilli avec ce besoin de contrôle sur mon corps. Ça m’a pris des années pour atteindre un infime sentiment de plénitude corporelle, pour cesser de me questionner sans arrêt. Et finalement, quand le petit bonheur personnel qu’est celui de se regarder nue dans un miroir survient, quand on parvient même à se dire : « ouais, c’est beau tout ça », c’est là qu’un d’un seul coup la force des choses revient te fouetter, mais différemment cette fois.

Différemment, dans le sens de « Ayoye, j'ai un bébé dans le bide. »
 

Crédit : Carolane Stratis 
 
J’ai vu apparaitre le petit « + » sur le test de grossesse. Déjà, mes petits seins que j’aimais maintenant me faisaient mal comme jamais et avaient changé d’apparence. J'ai même lu, en bas de page, la garantie que trois mois plus tard, ils feraient tout aussi mal et auraient, à mon grand désarroi, changé d’apparence encore plus... tandis que moi j’aurais changé de grosseur de bonnet.
 
Quant à mon ventre qui n’était ni plat, ni musclé, juste vraiment très correct, il s’arrondit, de jour en jour. Selon mes proches, rien n’y parait. La balance aussi est de cet avis. Sauf que moi, je le sais, je le vois, je le sens.
 
 Crédit : Nathalie Justine via Polyvore 

Et après avoir vomi pendant des semaines, fait la mycose sur le divan, avoir souffert d’une incapacité insurmontable de sentir quelque odeur que ce soit : J’AI FAIM. J’ai terriblement faim. Tout le temps. Impossible de contrôler ce qui entre. Les fruits et légumes ne me satisfont pas. L’eau n’a aucun effet sur moi – sauf peut-être celui de m’envoyer 15 fois par jour à la salle de bain. J'ai dévalisé le Dollorama de ses meilleurs paquets de bonbons surettes. 

Je dois me rendre à l'évidence : je dois maintenant apprendre à partager ce corps que j'ai mis des années à aimer et apprécier tel qu'il est. Ce n'est pas facile.

Comment est-ce que la grossesse a changé la relation que vous aviez avec votre corps?