Je ne suis pas fière de cette histoire. En même temps, je n’en ai pas honte.

Je parle de la fois où, du creux de mon ventre d’où je l’ai bercé tout doucement pendant des mois avant son arrivée, une longue plainte s’est fait entendre. Ça pleurait dans ma tête. Ça pleurait dans mon cœur. Ça pleurait dans mes yeux.

Et ces mots qui me résonnaient partout à l’intérieur.

« Je n’aurais jamais dû avoir d’enfant. »

Il faut comprendre. J’ai toujours fait des crises d’angoisse.

Je me vois encore, assise sur mon lit, ado, avec l’étrange impression qu’un filtre s’est installé entre la réalité et moi. Mes poumons me semblent trop grands pour que je puisse les remplir complètement. Ma voix est lointaine, trop lente, trop grave. Je m’accroche aux objets, aux murs pour qu’ils me ramènent sur Terre. Qu’ils mettent du plomb dans mes souliers trop légers.

Quand je suis tombée enceinte, il m’a fait du bien. Ce n’est pas pour ça que j’ai eu un enfant. Pas pour me faire du bien. Je savais seulement qu’il fallait qu’il existe. Mais, par ricochet, il m’a fait du bien. Alors je ne m’attendais pas à cette vague de panique, trois mois après notre première rencontre au travers d’une paroi de plexiglas.

C’était la première fois que nous le faisions garder. Douze heures chez mes parents à 12 minutes d’automobile pour nous permettre de…nous reposer? Nope. Faire le party, niaiseux de même.

Toute la journée, j’avais carburé au café. J’ai même pris une boisson énergisante pour éviter de piquer du nez dans ma troisième coupe de rouge. Mon bébé venait quand même tout juste de commencer à faire ses nuits. Ouep. C’était mon plan, niaiseux de même.

Donc, quand, à trois heures du matin, mes yeux se sont ouverts sur une impression de danger imminent qui me bombardait le cerveau d’images d’horreur, j’ai été submergée. Est-ce qu’il respirait encore, mon bel amour? Dans son lit, à 12 millions d’années lumières de moi.

« Il est impossible que je survive à ça. Toute cette angoisse. Je n’aurais jamais dû avoir d’enfant. »

J’étais projetée dans le futur. Quand, ado, il ne rentrera pas coucher. Quand il aura un accident de voiture et que le monde s’écroulera sur mes épaules. Que mon cœur éclatera. Ça me semblait si évident. Si terrifiant.

« Je n’aurais jamais dû avoir d’enfant. »

J’ai réveillé l’Homme. J’ai appelé mes parents. J’ai écouté la voix de ma maman. La respiration calme de mon bel amour par téléphones interposés. Et j’ai pu dormir. Au petit matin, la peur était encore là, mais minuscule, cette fois. Cachée derrière quelque chose de bien plus grand. De bien plus beau.

Je n’ai pas eu honte. Je ne m’en suis pas voulu.

Parce que j’ai douté, oui… Mais je n’ai pas arrêté d’aimer, pas une seconde.
 

Avez-vous déjà douté de votre choix d’avoir un enfant? Est-ce que vous vous êtes senti à l’aise d’en parler ouvertement?