Chaque début de printemps, c’est la même chose, j’appréhende Pâques parce que le souvenir de ma tentative de suicide est intrinsèquement lié à cette période de l’année. J’ai voulu m’enlever la vie entre la fête de ma meilleure amie et la mort du Christ et Facebook ne manque pas de me rappeler le countdown depuis quelques jours.

La fête de ma meilleure amie, la sortie à la cabane à sucre, la journée où j’ai essayé de mourir.

Puis, le vide, plus rien pendant ces quelques jours de 2012 et Pâques qui m'a rentrée dedans comme jamais dans ma vie. 

Ça faisait déjà plusieurs jours que ça n’allait pas. J’avais déménagé puis fais un voyage éclair à Paris en espérant changer le mal de place. Le mal était toujours là. Je ne pouvais plus rien faire pour l’ignorer. Je n’avais pas le droit de boire avec les médicaments que je prenais depuis un mois environ. J’avais fail à la fête de mon amie et j’avais black out. Quelques jours après l’incident, j’étais dans ma chambre, la porte fermée. Je me suis mise à pleurer. Je regardais la vie des autres via les réseaux sociaux et je me suis mise à penser que ça ne servait à rien que je sois là.

C’est comme ça que je me suis mise à écrire ma lettre de suicide. Je ne pouvais pas mourir sans expliquer mes motivations. C’était une assez longue lettre que j’ai écrite en pleurant. Je l’ai même révisée pour être sûre que ça se tenait. Avec le recul, je trouve ça ridicule, mais à ce moment-là, je ne voulais plus décevoir quiconque, surtout que j’allais commettre quelque chose que plusieurs allaient juger. J’ai fait bien attention de n’incriminer personne, de juste dire que dans le fond, c’était de ma faute si je n’étais pas utile et aimée. Je l’écris et je pleure parce que c’est un sentiment qui revient encore des fois.

Il était 3 heures du matin environ, je savais que si je voulais mourir comme j’avais planifiée, avec les médicaments que j’avais dans ma chambre, je devais me dépêcher d’envoyer ma lettre aux deux personnes que j’avais sélectionnées pour apprendre la nouvelle : une amie à Montréal, une amie en France. Tout le monde dormait, je pouvais mourir en paix. Mes colocs dormaient aussi. J’ai copié-collé ma lettre, je l’ai envoyée.

Le reste s’est passé très vite. L’une des deux personnes informées ne dormait pas, elle a donc intercepté ma lettre avant que je ne commette l’acte qui m’avait pris la soirée à planifier. Elle est arrivée chez moi en un rien de temps. Elle a réveillé mes colocs qui sont venus me porter chez son chum. Les deux ont passé la nuit à me veiller. Le lendemain, j’avais un rendez-vous dans un centre de prévention du suicide, un rendez-vous avec mon médecin et un suivi deux fois par semaine avec ma psychologue. J’ai passé la semaine à dormir. Mes parents m’ont amenée au spa, je me suis acheté du vernis à ongles. J’avais plus le droit d’être toute seule.

Depuis, j’ai une relation douce-amère avec la fin du mois de mars. Plus le temps passe, plus je me demande comment je me suis retrouvée au bord du gouffre et comment j’ai pu, sans élément déclencheur clair, vouloir m’ôter la vie un mardi soir. J’ai oublié la date exacte de ma tentative, je pense que c’est mieux comme ça. Je peux focus sur le fait que le mois de mars sonne la fête de mon amie, son anniversaire de non-consommation chez les A.A. et les C.A., l’anniversaire de TPL Moms et l’arrivée du printemps.

Je ne pense pas que je serais capable un jour de dissocier cet évènement du mois de mars, en même temps, je ne tiens pas à l’oublier. Surtout que je porte pour la deuxième fois une vie dans mon ventre. Une petite chose qui n’aurait jamais vu le jour si je m’étais donné la mort.
Je suis contente d’aller mieux, assez bien pour en parler aujourd’hui et montrer qu’on peut passer au travers des pires souffrances, même celles qu’on diminue parce qu’elles ne sont pas si pires que ça. Toute souffrance est pénible à vivre et aller chercher de l’aide est la meilleure chose qui puisse vous arriver si vous vous sentez comme je me sentais en 2012.