Étant une plus si jeune prof dans une école secondaire défavorisée et une nouvelle maman, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt toute la série de chroniques « Si l’école était importante » de Patrick Lagacé publiées dans La Presse. Dans ses textes écrits avec la plume précise et souvent acérée qu’on lui connaît, Lagacé met en lumière tout ce qui plombe l’école publique : personnel débordé, classes surpeuplées, services insuffisants, financement inadéquat. La plupart du temps, j’ai applaudi à deux mains.

En lisant le onzième volet de sa série d’articles samedi matin, certains passages m’ont fait avaler mes rôties de travers.

Bon. Les remerciements sont bien jolis et grandement appréciés, mais la partie sur l’école privée m’a fait grincer des dents. Lagacé explique qu’on lui reproche souvent par courriel le fait qu’il se porte à la défense de l’école publique, mais envoie son enfant au privé. Transparence totale, je n’ai jamais pensé à envoyer un message de ce genre au journaliste et je suis un peu agacée par les plus vertueux que la vertu qui cherchent toujours le moindre petit bobo à ceux qui prennent le temps de dénoncer une situation inacceptable.

Mais…ça ne m’empêche pas d’être profondément dérangée par une partie de ses propos. Lagacé se dit en colère de devoir payer en double pour un service et évoque une tendance « à laquelle le Québécois s’est habitué : aller au privé pour obtenir un service indisponible au public ».

C’est là que je décroche. C’est une tendance à laquelle je ne m’habituerai jamais. C’est une tendance dont les plus vulnérables de notre société font les frais, pendant que les apôtres de la privatisation à tout vent se réjouissent.

Lagacé se dit bouleversé par le fait que les enfants pauvres « sèchent » parce que leurs parents n’ont pas les moyens de sortir leur chéquier pour avoir accès aux services dont ils ont besoin.

Que peut-on faire pour ces pauvres enfants qui sèchent?

Nous pouvons envoyer nos enfants au public avec tous les autres, leur faire vivre un peu de mixité sociale et chialer quand ça ne marche pas. Nous pouvons contribuer à changer les choses au lieu de jeter l’éponge et de changer nos précieux d’école en se disant « je veux le meilleur pour mon enfant et c'est bien triste pour les autres ».

Les parents pauvres ont souvent moins de moyens et je ne parle pas que de moyens financiers. Ils manquent aussi de temps. Et de tribunes. Même chose pour les parents immigrants qui ne maîtrisent pas le français. Il est beaucoup plus difficile de se plaindre et d'exiger ce qui devrait nous être dû quand on ne trouve pas les mots pour le faire. Si tous les parents aisés et riches (incluant nos députés et ministres...) envoyaient leurs enfants au public, le public n'aurait pas l'allure qu'il commence à avoir. L'anecdote sur le PEI citée dans l'article confirme tout à fait cette idée d'ailleurs, les parents revendicateurs n'étant probablement pas du même niveau socio-économique que les parents au coin de ma rue d'Hochelag, mettons.

Depuis plusieurs années, quand je partage mon opinion sur le privé, je me fais souvent répondre le classique et enrageant « tu peux pas comprendre, t'as pas d'enfants ».

Crédit : Giphy

Depuis cinq mois et des poussières, je peux finalement dire que oui, et que mon opinion n’a pas changé.

Ces gens se disent sûrement « oui, mais il ne va pas à l'école, on s'en reparle dans cinq ans ».

Bring it on, c’est un rendez-vous.

Et j'espère que quelqu'un aura eu le courage de couper le financement du privé d'ici là et que nos enfants joueront ensemble dans la cour d'école.