Je viens de terminer le roman La femme qui fuit, d’Anais Barbeau-Lavalette (ouais, je sais, je suis culturellement en retard sur ben des affaires, c’est ça, une mère très occupée). Une œuvre d’une telle tristesse, mais aussi d’une beauté grandiose, comme en avait déjà si bien parlé Anne l'an passé. D’où la suivante réflexion sur ma relation avec la fuite dans ma vie. 

« Confronté à une épreuve, l’homme ne dispose que de trois choix : 1) combattre, 2) ne rien faire ou 3) fuir .» (Henri Laborit, L’Éloge de la fuite, 1976)

Pour moi, la fuite a toujours été un moyen de défense efficace. J’ai eu tendance à l’utiliser pas mal  de fois dans ma vie. Fuir mes problèmes, fuir mes amis qui m’ont blessée ou déçue, fuir les relations trop compliquées… Le jour où j’ai réalisé que la Terre était grande et remplie de gens formidables, j’ai comme abandonné et décidé qu’on pouvait facilement tout recommencer ailleurs, nouvelle ville, nouveaux projets, nouvelles connaissances… Le prix à payer pour cette liberté aura été d’être une éternelle loner, flirtant de gang en gang, allant rarement dans les profondeurs intimes de l’amitié réelle. Même principe pour les relations amoureuses. Un système de protection efficace, ne plus se mouiller pour ne plus risquer d’être blessée, ne plus s’engager pour éviter les déceptions. Pas de temps à perdre, la vie est trop courte.

 
Woody Allen Annie Hall

Woody Allen / Annie Hall
Crédit : Giphy
Puis, je l’ai rencontré. Ça semblait si évident, c'était lui, l'homme de ma vie, le bon, le toute! J'ai eu envie d'avoir des enfants avec lui (un total de trois, à ce jour). Je me suis prise moi-même au piège. Mon système de défense habituel ne peut plus s’appliquer. Dorénavant, il faut confronter, travailler, s’acharner. Il faut résister, s’accrocher. Il faut s’enraciner quelque part. Non seulement il le faut, mais ces trois petits êtres font maintenant partie de moi, de mon corps, de mon esprit. Ils sont indissociables de mon être et de mon âme. Ils sont mes poumons, mes yeux, ils sont moi. Fuir n’est plus une option.
 
Aujourd’hui, j’ai une unique certitude, même quand la routine et la fatigue me pèsent trop, même quand je me sens tellement à bout de souffle, à boutte tout court, même quand j’aurais le goût de changer de vie, de pays, de job ou de n’importe quoi, je sais que jamais je ne pourrai abandonner les miens.

« Nous serons libres ensemble » (Anaïs Barbeau-Lavalette, La femme qui fuit, 2015). Et nous bâtirons quelque chose de solide et de grand, ensemble.

En allant acheter une pinte de lait au dépanneur, ressentez-vous parfois l’envie de ne plus jamais rentrer à la maison?