L’automne dernier, après plusieurs mois de réflexion, j’ai volontairement quitté un emploi qui ne me convenait plus. Et c’est là qu’ont commencé les « t’es donc bien chanceuse toi, de pouvoir te permettre ça! T’sais, ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre de quitter sa job et avoir de longues vacances comme ça! »
 
Non. Ce n’est pas de la chance, c’est le courage d’assumer ses décisions.
 
J’habite en appart depuis mes 20 ans. Je travaillais fort l’été pour me consacrer à mes sessions de 18 crédits durant l’année, payer ma bouffe, mon appart, ma passe de bus, mon linge. Au baccalauréat, je n’ai pas eu droit aux prêts et bourse, même si je n’habitais plus chez moi et que mes parents ne m’entretenaient pas. Mes parents m’ont payé les frais de scolarité d’un baccalauréat de trois ans (ça, c’est une chance), mais j’ai dû payer mes livres, ma maîtrise et mes études supplémentaires. Heureusement, j’ai eu une petite bourse de recherche à la maîtrise.

Crédit : Giphy

 
Mes trucs pour économiser? Rejoindre mes amis pour le dessert ou prendre seulement une tisane au lieu de payer un souper au resto. Acheter du linge au Village des valeurs. Vivre à cinq dans un appartement. Éplucher les publi-sacs pour trouver des coupons, acheter ce qui est en spécial, en format familial. Cuisiner, congeler des portions et manger la même chose toute la maudite semaine. Ne pas avoir de voiture avant mes 28 ans. Ne pas avoir de loisirs m’abonner au gym, au théâtre ou à l’orchestre symphonique. Ne pas aller au restaurant.  Dormir dans des dortoirs de 12 en voyage. Limiter certaines dépenses et consommer en fonction de mes moyens et de mes priorités. Cotiser l’argent résiduel.
 
Aujourd’hui, mes enfants partagent la même chambre #PetiteMaison. Lorsqu’ils étaient bébés, j’achetais des lots de vêtements usagés pour moins de 1 $ le morceau : ça faisait moins mal au cœur de devoir jeter un pantalon abîmé par du caca ou du vomi.
 
Malgré nos petits moyens, mon chum et moi avons courageusement acheté un condo dans le quartier Saint-Roch #TantQu’àPayer750$ParMoisPourUnAppart. C’était il y a 10 ans, au début de l’effervescence du quartier. Nous l'avons vendu avec profit quelques années plus tard pour acheter plus grand.  
 

Je suis en recherche d'emploi, pas en vacances!
Je suis en recherche d'emploi et non en vacances!
Crédit : Tolea1/Pixabay

 
Je sais que #LesGens ne pensent pas mal faire, qu’ils veulent maladroitement souligner le seul point positif de la situation : c’est vrai qu’une pause prolongée en milieu de carrière est une « opportunité » qui n’est pas donnée à tout le monde.
 
Mais c’est un brin insultant, car c‘est tout sauf de la chance. Et qu’à choisir, je préfèrerais avoir une vie professionnelle gratifiante. N’enviez pas naïvement les « bons » côtés que vous trouvez à ma situation et n’occultez pas les inconvénients : je n’ai pas de salaire, j’éprouve un sentiment d’inutilité. Je perds 2 h 30 de mes journées dans le trafic pour lifter ma famille afin de conserver l’auto pour passer d’éventuelles entrevues. Je dois justifier pourquoi j’ai quitté volontairement un emploi et pourquoi je n’ai pas accepté une job au salaire minimum « en attendant ». Je m’occupe de la bouffe, des plates-bandes, du ménage et des comptes à payer. Bref, je n’ai pas le temps de me faire bronzer, je ne suis pas en vacances! Des fois, je me dis que ça aurait été socialement plus simple de tomber en épuisement professionnel et d’être en congé forcé.
 
Est-ce que votre entourage vous trouve « chanceux(se) »?