Ce n’est que tout récemment que j’ai réalisé que j'ai un problème avec les émotions qui débordent.
J’ai le jugement un peu trop facile quand je vois des gens étaler leurs sanglots de tristesse ou leur trop-plein de bonheur en public.  

Ça peut s'expliquer en partie par mon éducation : dans ma famille, le mot d’ordre est « pas de chicane dans ma cabane, pas de passion dans mon salon ».  Pendant nos soupers de famille, nous ne parlons presque jamais de politique, de religion, ou de vaccination.  Nous ne dansons pas dans le salon de ma grand-mère avec un p’tit verre de trop dans le nez.  Ce ne serait pas correct.  Mais je réalise en vieillissant que c’est malsain, une telle relation avec les émotions, parce que ça se répercute sur ma relation avec mes enfants. Je ne sais plus où me placer et comment réagir quand ils vivent ces émotions que mon expérience de vie me dit de réprimer.

Quand j’étais ado, vers 15 ans, j’ai eu une période un peu sombre, où ma confiance en moi était à son plus bas. J’avais l’impression d’être une grosse patate molle non comestible dans un monde de jolies courgettes sveltes #ViveLesHormones.  Après une journée particulièrement difficile, je pleurais doucement dans ma chambre.  J’ai alors pris une décision : je devais mettre fin à ma souffrance.  Ça ne servait à rien de continuer.  Me sentant quand même en détresse, mon instinct de survie embarqua et je décidai de prendre mon courage à deux mains et d’en parler à ma mère.  Sa réaction me hante encore aujourd’hui : « Mais, voyons ma chérie, c’est pas vrai, tu ne veux pas vraiment te tuer.  Va te coucher, ça ira mieux demain.»

Et du revers de la main, elle venait de me faire comprendre que ce que je vivais, ce n’était pas pertinent, pas important, pas correct.  C’était probablement vrai, d’ailleurs, avec le recul, je comprends que je n’étais pas suffisamment en détresse pour passer à l’acte.  Mais ce que j’ai compris cette journée-là, c’est que les émotions qui débordaient de mes yeux n’étaient pas vraies.  Ça m’a cloué le bec et ça a confirmé ce que mon manque d’estime de moi me criait depuis longtemps : tu ne vaux tellement rien que même ta détresse ne vaut rien, elle n’est pas justifiée, elle est insignifiante.

Je ne lui en veux pas du tout, c’est ainsi qu’elle voyait les choses.  Elle m'aimait infiniment, elle me le disait et me le montrait tout le temps.  Par contre, sans le réaliser, elle m’a conditionnée à trier ce que je ressens et à ne communiquer que ce qui est considéré comme « correct ».  Et aujourd’hui, je réalise que ça commence tôt, ce conditionnement.  C’est la même chose quand nous allons souper chez des amis et que j’oblige mon enfant à dire bonjour et à faire des câlins, alors qu’il a peur d’ouvrir ses bras à des inconnus.  Même chose quand j’oblige mon enfant à dormir dans son lit alors qu’il est terrorisé de trouver des monstres dessous, en lui disant : « Mais voyons, mon chéri, ça n’existe pas les monstres sous les lits! » Même chose quand je fais manger de force des carottes cuites à mon enfant, alors qu’il n’aime pas la texture, parce que « c’est bon pour sa santé ».  Nous nous justifions en mettant ces comportements sur le dos des caprices.  Par contre, à chaque fois, le message que nous lui envoyons est : ce que tu ressens n’est pas bon, fais semblant que ça n'existe pas et fais comme je te dis.

Je ne suis pas en train de faire un plaidoyer pour laisser nos enfants faire ce qu’ils veulent quand ils le veulent.  Je ne suis pas non plus en train de dire que j'arrive toujours à accepter de façon ouverte et sereine les crises de mes enfants.  Oh my god non #TsAisLesCrisesDeBaconÀLÉpicerie.  Par contre, j'essaie très fort de faire preuve d'une écoute bienveillante.  Il se peut que ce qui semble être d’une importance capitale pour mon enfant, comme la couleur de son verre de jus de pomme, puisse me sembler être une perte de temps irritante et injustifiée.  Mais je crois fermement que c’est en prenant le temps d’écouter ce qu’il a à me dire, sans jugement, et en formulant ma réponse en conséquence que j’arriverai à lui faire comprendre que ce qu’il ressent, c’est toujours correct.  Que je serai toujours là pour l’accompagner et le protéger, en l’aimant au complet inconditionnellement, même s’il n’aime pas les carottes cuites.

Crédit : Giphy
 

Et vous, avez-vous de la difficulté à gérer les émotions de vos enfants?