Nous sommes tous uniques, ce n'est pas une grande nouvelle! Par contre, lorsque je scrute notre société, il me semble n’y voir qu'un moule. Dès notre enfance, à notre entrée à l'école ou bien avant, nous sommes soumis à des règles, mais aussi à une ligne de conduite plus invisible qui encourage le même type de comportement. La différence n'est pas de mise et elle peut devenir dérangeante.

Nos petits doivent suivre des horaires rigides, des activités préétablies en ayant peu de répit. Tout est prévu d'avance et sans surprise. Nous leur demandons de se conformer à tout cela de façon assez astreignante. Comprenez-moi, les règles et horaires sont nécessaires, souhaitables même, car tout au long de leur vie, ils devront composer avec ça. Cependant, nous leur demandons peut-être de mener des vies d'adultes trop rapidement. C'est dommage, ça vient bien assez tôt.

Nous ne leur permettons pas de se démarquer dans cet univers rigide. Nous avons tous déjà fait ces bricolages en série, avec les mêmes couleurs et écrit les mêmes textes avec les mêmes sujets. Puis, si nous tentons de faire autrement, ça ne se passe pas toujours bien.

Je me souviens, quand j’étais en cinquième année, le professeur nous avait demandé ce que nous voulions faire plus tard comme métier. Les réponses fusaient : vétérinaire, médecin, mécanicien, pompier, etc. Moi, j'écoutais les nouvelles avec ma mère et je voulais changer le monde. Je n'avais pas la notion du pouvoir et, à mes yeux d'enfant, Brian Mulroney à l'Assemblée semblait faire bouger les choses. Ma réponse? Je serai première ministre du Canada. En 1988, la politique et les femmes, ce n'était pas très tendance. Le directeur a donc rencontré ma mère à ce propos et il lui a été suggéré que je consulte un psychologue (lire ici, euh?! De quessé?! Ben voyons! Indignation totale!). Je n'ai bien sûr jamais consulté à propos de mes ambitions politiques, mais j'ai néanmoins cessé de me démarquer pendant un bon moment, car on venait de me faire comprendre que c'était une mauvaise chose.

Ce qui me rend triste, c'est que notre unicité n'est mise en valeur nulle part et encore moins confortée. En tant qu’adultes, nous passons parfois une partie de notre vie à la rechercher, car nous l'avons perdue dans cette rigidité faiseuse d'humains en série. Ce qui m'effraie encore plus que cela ne m'attriste, c'est qu'en encourageant cette parité, il y aura des découvertes qui ne verront jamais le jour et des peintures qui se perdront avant même d'avoir été peintes. Avec ce moule, nous étouffons la créativité, celle qui permettrait de changer l'état actuel des choses et d'améliorer notre société, qui en a d'ailleurs grand besoin. 

Je ne suis jamais devenue première ministre du Canada, de toute évidence. Seulement, j'ai encore ce désir de changer le monde. Je crois que de briser le moule est un bon début. Notre société nécessite un brin de folie et d'innovation, mais surtout, le caractère unique de chacun. Peut-être que nous changerons ce monde, une différence à la fois.