Vite, vite, vite. Toujours plus vite. Faut que ça aille vite. Court, le plus court, toujours. Pas le temps. « On » est pressé. Pas compliqué non plus. C’est pas rapide quand c’est compliqué. Le plus commun, le moins original, le plus simple. Un effort de compréhension, ça ralentit.
 
« Votre nom, s’il vous plaît!
— Mon prénom (je spécifie) : Emilie (pause) Sarah...
— Mélissa (en m’interrompant)!?
— Non. « Emilie » sans accent, « Sarah » avec un « h », sans trait d’union entre les deux.
— Ok (s’impatientant).
— Mon nom de famille, je vous l’épelle : C-A-R-A-…
— Oui (clairement impatient).
— … V-E-…
— Hum hum.
— … C-C-H-I-A. »
 
Blame on me pour le « Sarah », c’est moi qui l’ai ajouté, à 16 ans, quand j’ai arrêté de parler à mon père. L’ajout du prénom de baptistaire qu’il n’aimait pas, juste pour l’écœurer (#AdoStyle).
 
22 lettres, un presque alphabet!
 
Et mes enfants? Mon aîné en a 25, mon plus jeune 17.
 
« Ben là, t’aurais pu faire ça plus court. Pauvres eux, ils vont devoir épeler leur(s) nom(s) toute leur vie.
Ouain... Pis. »
 
Pas un « ouain pis » de désintérêt devant leur grande souffrance (#Not) à venir. Plus un « ouain pis », de « Ça leur prendra toujours ben juste quelques secondes de plus de leur vie. » Quelle perte de temps ! (#Ironie)  
 
Le nom, première facette de notre identité aux yeux des autres. Mes enfants, eux, apprendront la lenteur et la patience de l'épellation d'un nom de famille italien. Ils l’intégreront comme une part polysémique de leur « soi ». À tout coup, les discussions démarreront.
 
Mais, hey! Notre société fast-foodisiaque n'aime pas ben, ben ça, la longueur et la lenteur. 
 
Et pourtant... Qu'y a-t-il de mal à prendre son temps pour exécuter une tâche, pour se déplacer du point A au point B, pour manger, jouer, se reposer? La question est rhétorique, je le sais.
 
Il n’y a rien de mal à tout ça, et la première personne à qui je dois le rappeler, c’est à moi.
 
Je suis toujours à la course, pressée, je marche vite, je parle vite, je fais tout vite, vite, vite.

Et pourtant, quand vient le temps de dire mon nom, je ralentis. Pas le choix. Sinon, on ne me comprend pas.
 
Et pourtant, quand vient le temps d’expliquer quelque chose à mes enfants, à mes étudiants (j'suis moins bonne avec les autres), je ralentis, aussi.
 
Je me souviens, lorsque j’ai passé l’entrevue au cégep où j’enseigne, un futur collègue m’a demandé pourquoi j’avais choisi l’enseignement. J’ai répondu : « Parce que la classe, c’est le seul endroit où je suis complètement moi-même, où je suis l’être humain que j’aime le plus être. » 
 
En classe, comme avec mes enfants, je suis cette femme passionnée et patiente, celle qui n'a pas peur de ralentir, de prendre le temps, celui de dire et de redire, encore et encore. Je suis celle qui prend SON temps, pis cette femme-là, elle me plaît.
 
Alors, si je regrette d’avoir un nom long et d’en avoir donné de tout aussi longs à mes enfants, la réponse est non. Nos noms sont là comme des témoins du passé (celui qui est transmis) et comme un rappel (celui de s’arrêter, des fois, pour dire, patiemment et lentement).
 
 
Comment vous rappelez-vous la nécessité de ralentir?