Être un jeune couple fertile en voie d’adoption peut être perturbant, pas pour nous, mais pour l’Autre avec un grand A. C’est ce que nous avons appris à nos dépens, c’est ce que nous avons senti dans le regard des gens. Ce projet génère beaucoup de réactions positives et négatives. Et pourtant, dans nos têtes, dans nos cœurs, il est maintenant aussi naturel que de donner vie par le corps.
 
Je pourrais diviser les réactions en deux catégories.
 
La première, qui est peut-être la plus flatteuse, mais qui néanmoins ne représente pas notre réalité, est celle de l’idéalisation. D’être mis sur un piédestal, et ainsi être perçus comme des gens qui agissent par renoncement et sacrifice.  Honnêtement, si nous adoptions dans un esprit de contrition et d’abnégation, cet enfant n’aurait aucune chance, nous ne pourrions pas l’aimer. Nous le considérerions en dette constante envers nous, « les sauveurs ». Si nous avons fait ce choix, c’est que nous croyons de tout notre cœur, qu’au contraire, cet enfant nous comblera, tout comme l’ont fait son frère et sa sœur auparavant. Nous avons hâte de le voir, de le prendre, de le bercer. Je me meurs d’envie de regarder son visage, qu’il me donne son plus beau sourire et qu’il m’appelle « maman », ce petit né d’une autre femme. Parce que c’est ce que je serais, SA maman. Juste l’idée me fait pleurer. Nous le faisons pour nous, voilà tout, pas de médaille du mérite à recevoir. Par ceci, je n’idéalise pas le processus et les défis qui se présenteront sur notre passage.  Bien sûr, tout ne sera pas constamment rose. Mais, comme n’importe quel parent, c’est l’espoir de l’amour qui nous anime.  

La deuxième, plus sombre et douloureuse, est celle qui nous renvoie le sentiment que cet enfant prendra la place d’un enfant que nous aurions pu avoir de nous. Que notre décision est contre nature. Bien sûr, ce n’est jamais dit de cette façon. Souvent, c’est énoncé sous forme de question naïve, des fois dans un commentaire aux apparences banales, mais plein de non-dits.  De tels propos, même s’ils peuvent paraître anodins, laissent sous-entendre qu’un enfant adopté ne sera jamais au même niveau qu’un enfant biologique. Ils perpétuent l’idée que l’adoption ne devrait être qu’un plan B.  Quelle chance reste-t-il à l’orphelin, s’il ne peut être une option égale à l’idée d’agrandir une famille?

Je comprends que pour plusieurs, l’idée n’ait jamais fait son chemin, ou encore, qu’elle leur semble impossible. Le problème n’est pas là. Il est plutôt dans le fait de laisser l’ignorance nous imposer ses règles. Entendre des commentaires qui diminuent l’enfant adopté me fait mal. J’ai mal à mon cœur de mère, j’ai mal pour l’unité de ma famille, j’ai mal pour ce futur enfant qui voudra, comme les autres, être reconnu pour sa valeur. Je vous en prie donc,  si vos commentaires (même s’ils étaient brodés de fines dentelles) cherchent à reléguer mon enfant au deuxième rang, merci de vous abstenir de les dire. Cela demeure, pour moi, être la meilleure option. Il ne prendra la place de personne; il a sa place à lui. Il ne m’empêchera pas d’avoir un enfant; il sera MON enfant.

Ceci dit, je vous partage mon ressenti avec tout l’amour et le respect du monde. Je sais que parfois, l’intention peut-être bonne, mais les mots peuvent être maladroits. Mes mots à moi peuvent l’être aussi sur des sujets que je connais moins. L’ignorance peut avoir des airs insensibles, c’est pourquoi je ne voudrais pas confondre les deux. À nous de réfléchir à l’impact de nos mots et d’avouer plus facilement notre ignorance.
 
Avez-vous déjà senti devoir vous justifier quant à vos choix?