Des maladies invisibles, il y en a des tonnes. Elles sont insidieuses et un brin hypocrites, car elles se jouent de nous en silence, loin des regards. Alors que la tempête sévit, l'apparence reflète la santé. C'est à s'y méprendre, vu de l'extérieur. Et malheureusement, c'est ce que les gens jugent en premier. N'ayant pas de traces apparentes de la maladie, ils supposent donc que c'est peut-être bien un mal imaginaire.

Cela fait maintenant 20 ans que je vis avec ce type de condition. Je n'avais que quinze ans quand tout a commencé. Tout ça pour un banal vaccin contre la méningite. Un an plus tard, je n'arrivais plus à sortir du lit. Mes muscles faiblissaient, la douleur envahissait tout mon corps, mon cœur s'emballait, ma pression chutait et je perdais dangereusement du poids. J'étais confinée à ma chambre, à mon lit et à mes rêves brisés.

Il aura fallu deux ans avant de savoir et pendant ce temps, mes parents se sont battus contre les jugements, ceux des médecins qui me croyaient seulement anorexique ou anxieuse. Je n'étais qu'une adolescente, après tout. Le verdict est finalement tombé : je souffrais d'encéphalomyélite myalgique, mieux connu sous le nom – largement et mal médiatisé – de syndrome de fatigue chronique. À tort, à cause de ce nom, les gens croient que je suis juste fatiguée. La réalité, c'est que ce vaccin a tué une partie de mon système immunitaire avec toutes les conséquences qui en découlent. Cependant, ça ne se voit pas. 

Il y a des jours où je suis prisonnière de mon lit, non pas par simple fatigue, mais par des douleurs musculaires paralysantes, un épuisement si grand que j'ai du mal à parler avec des phrases claires ou à me tenir debout sans être couverte de sueurs froides. Je dois parfois choisir entre faire une brassée de lavage ou prendre ma douche, car faire les deux serait impossible sans engendrer de trop violents malaises. Parler au téléphone trop longtemps, passer trop de temps sur l'ordinateur ou rester un peu trop debout, cela suffit pour amener un « mauvais jour ». Parfois, juste une température trop chaude ou trop froide. « Trop » peut alors devenir un déclencheur, mais « trop » est parfois si peu en réalité. 

Malgré les deuils que j'ai dû faire, malgré les douleurs que j'ai pu ressentir, je suis heureuse. Heureuse de qui je suis, de la vie que je me suis bâtie, des enfants que j'ai réussi à avoir, malgré tout. Ils étaient mon rêve le plus cher et le plus fou. Je suis donc devenue une maman différente, et ce, avec fierté, car ce corps m'aura permis de porter et de donner la vie. C'est un incommensurable et précieux cadeau.

Il y a tant de maladies invisibles et de personnes qui en souffrent qu'il me serait impossible de toutes les nommer, mais vous vous reconnaîtrez. J'ai longtemps hésité avant d'en parler sur une plus large tribune, mais mon envie de faire réfléchir a été plus grande que mon immense pudeur sur le sujet. Même après toutes ces années, le jugement me blesse encore profondément. Il revient à remettre en doute mon combat. Je veux seulement vivre ma vie sans me soucier de ce que vous pensez savoir de celle-ci, sinon que ce que vous en voyez et, peut-être même, ce que je vous laisse bien voir.

Si je n'avais qu'une seule chose à vous dire, si vous n'aviez qu'une seule chose à retenir, ce serait de ne pas juger avec vos yeux, car la vérité se cache souvent derrière ce que l'on ne peut voir et souvent, la maladie n'a pas de visage.