C’est curieux. 
À peine avait-elle soufflé la flamme de son gâteau de premier anniversaire que déjà, je me suis vue sortir du four celui de l’anniversaire suivant. 
Comme ça.  Bam!  Sans ellipse ni pause publicitaire.
 
Il doit y avoir une défaillance. Une panne de système.
Ça ne peut s’expliquer autrement.
Quelqu’un s’amuse à dérégler les paramètres du temps. Un bouton trop tentant, un levier trop invitant.

 Crédit: Giphy

Une télécommande chapardée par un bébé dissident.
S’agit d’un claquement de doigts.
Snap. 
D’un simple mouvement. Pour que la vie s’emballe à un rythme effarant.
 
Il y a pourtant eu, auparavant, un temps où les secondes se comptaient doucement.  Avant la naissance de celle que j’aime à la folie tant et tant.
 
Un temps lent.
Un temps pour s’embrasser longuement.  Un temps pour lire et tourner les pages sans bruissement. Un temps pour écouter la pluie d’été tomber; pour sentir le tonnerre venir et passer. 
Un temps pour un deuxième café.
 
Des jours faits de points de suspension.  Des jours sans sujet, sans nom.  Des jours qui n’avaient d’autre fonction que de faire le pont entre nous et nos futurs verbes d’action.

Ça sera tout pour aujourd'hui, merci. 
Crédit: Giphy

Ces jours n’existent plus. 
Ce temps est révolu. Il n’y a pas de service au numéro que vous avez composé.
Y’a soudainement beaucoup trop d’accéléré. 
La nuit, la tête sur l’oreiller, je compte les moutons; leurs bonds fracassent le mur du son. 
Au réveil, je cours après des jours qui partent et s’envolent comme des pages de calendrier.
 
Je suis partout à la fois, j’ai 56 bras.  Je mouche un nez, je ramasse trois concombres au marché. J’explique comment partager, j’éradique les cheerios perdus sur mon plancher.
 
Et c’est déjà demain, l’aviez-vous remarqué?
 
Au final, ces jours qui semblaient infiniment s’allonger pendant mon congé de maternité n’étaient, en fait, que des coups de vent déguisés.
 
L’accéléré emporte tout sur son passage.
J’ai l’impression de ne pas tout voir ou, pire, de voir si furtivement que le temps de sourire, il est déjà trop tard. 
 
Ma fille grandit en accéléré aussi.
J’aimerais qu’elle dorme une nuit de plus dans son petit lit.  Qu’elle n’apprenne pas si vite son alphabet, qu’elle hésite encore à faire ses premiers pas, qu’elle redise  « maman » pour la première fois.
 
Se souvenir pour freiner l’accéléré.
Revoir ce premier sourire. Ce premier regard qui s’étonne d’être en vie. 
C’était aujourd’hui, c’était y'a si longtemps, déjà.
 
Mais surtout.
Dans ce temps élastique qui fuit, qui s’étire et qui bondit : trouver du temps.  Du temps pour nous.  Du temps pour moi.  Du temps pour m’asseoir et écrire tout ça.  Me souvenir qu’il y avait un avant, me rappeler que mon maintenant, même en accéléré, est pas mal trépidant.
Et souhaiter.
Que ma fille y soit immunisée.  Pour l’instant.  Pour vingt ans.  Qu’elle puisse compter toutes les étoiles, lire trop de romans, s’ennuyer un peu de temps en temps. 

Crédit: haywiremedia/123RF

Qu’elle savoure l’avant. 
Car, viendra peut-être un jour, où elle aussi, connaîtra un accéléré enivrant.
Provoqué par l’arrivée d’un petit humain qu’elle aimera à la folie tant et tant.
 
Vous le connaissez, cet accéléré?  Il vous a surprise? Vous l’avez dompté? Vous faites quoi pour l’apprivoiser?