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Je suis dans la salle de bain, mes deux tests positifs plutôt qu’un dans les mains et je capote un peu. Je pense que je suis contente, mais je suis surtout fébrile et complètement dépassée par les événements.

Je retourne dans la chambre où mon amoureux dort et je dépose le test sur sa poitrine. Je le réveille, lui annonce que je suis enceinte et ses yeux à moitié endormis mais pétillants de bonheur incrédule s’impriment dans ma mémoire.

Ce sont, malheureusement, les dernières minutes de bonheur pur que nous vivrons en ce début de grossesse. Rapidement, après la surprise et le bref bonheur, l’angoisse décide de venir faire un tour. Et elle s’incruste solidement, même si personne ne l’a invitée.

Je ne devrais pas être surprise. Les psychologues que j’ai rencontrés pendant ma vie l’ont constaté : je ne souffre pas d’un trouble anxieux, mais je suis quand même plus anxieuse que la moyenne dans les moments de transition. Au quotidien, tout va bien, même que les gens me perçoivent souvent comme pleine de confiance. Mais sous la surface, c’est une autre histoire. J’ai horreur des obligations et de la routine, mais toute nouveauté me fait peur. J’étais la petite fille terrorisée sur le plongeon, incapable de bouger, celle qui était inconsolable en arrivant au camp de vacances, mais qui ne voulait plus en repartir à la fin. Un nouvel emploi, un déménagement, un conflit majeur me plongent dans une spirale de pensées angoissantes dont j’ai parfois du mal à sortir, me laissent en train de pleurer en boule dans le fond de mon bain avec la vague envie d’arrêter de respirer parce que ce serait peut-être plus simple finalement. Si je n’avais pas une bonne dose de curiosité et d’impulsivité pour compenser, si je n’étais pas si bien entourée de gens qui me donnent la petite poussée qu’il me manque pour foncer, je pense que je serais encore sur le bord de la piscine. Je n’aurais pas fait grand-chose de ma vie.

Crédit : Giphy

Et maintenant, un bébé me pousse dans le ventre. La force du choc me prend par surprise. Quelle erreur! Je pleure, je capote, je voudrais juste revenir en arrière et ne pas faire d’avances à mon chum. Ça ne peut pas être vrai. Pas moi. Pas aujourd’hui. Je ne m’en sens pas capable. Moi, mère? Et si je suis pourrie? Et s’il me déteste? Et si je meurs en accouchant? Et si je déteste rester à la maison et que je lui en veux? Et si on m’oublie pendant mon congé de maternité, que je me retrouve sans amis, sans travail? Et si je n’aime pas ça finalement, être mère? Pire, et si je n’aime pas mon enfant? Et si mon couple prend le bord? Et si mon chum me laisse juste avant l’accouchement parce que je suis trop insupportable? Et si je suis enceinte de quadruplés? Et si on découvre une anomalie à l’échographie de 20 semaines? Et si je fais une fausse couche tardive juste quand je commence à être contente? 

Mes envies de fille paniquée.
Crédit : Giphy

Toutes sortes de pensées sombres et honteuses me tournent sans cesse dans la tête. Après l’envie d’agiter une baguette magique pour effacer ma relation sexuelle vient l’espoir très refoulé de voir une tache rouge sur mes sous-vêtements. Chaque fois que je vais aux toilettes, une petite partie de moi espère, pendant qu’une autre partie est dégoûtée de souhaiter une telle horreur. Ma culotte intacte me laisse à la fois soulagée et encore plus terrifiée. Je pleure, j’angoisse, je culpabilise. Je pense à toutes ces femmes autour de moi qui rêvent de tomber enceintes.

Je n’ose l’annoncer à personne, parce que je sais que ma réaction n’est pas celle à laquelle les gens vont s’attendre. Pas à mon âge. Pas après 15 ans de relation stable. Je commence à me demander si je ne devrais pas me faire avorter. J’en parle à mon chum, qui se croit au milieu d’un cauchemar. Je ne sais plus quoi faire pour voir clair dans tout ça. Je ne sais plus comment m’en sortir. Je suis une grosse boule d’hormones larmoyante, épuisée, désespérée. Je ne peux plus continuer comme ça. J’ai besoin d’aide.

À suivre…