La nouvelle du drame s’est répandue telle une traînée de poudre. Le Web s’est immédiatement enflammé. Les détails de l’évènement arrivaient au compte-gouttes et chaque nouvel élément de l’histoire était livré à grand coup de sensationnalisme. L’incertitude qui planait face aux circonstances exactes entourant la tragédie aurait dû inciter à la prudence face aux propos tenus, mais non. Publier, toujours plus vite. Être premier sur la nouvelle.

Une partie de la population n’avait pas le temps d’attendre que les faits soient validés. Pressée de se prononcer, de commenter, de supputer sur le comment du pourquoi. Clamer haut et fort son opinion à l’unilatéral. Le jugement médiatique qui tombe comme un couperet : coupable. Sans équivoque. Sans appel. Sans nuance. Sans respect dans les termes employés envers la personne impliquée, envers la famille éplorée.

Assis dans le confort de notre foyer, c’est si facile de savoir. De savoir mieux. De se conforter dans l’idée que ça n’arrive qu’aux autres. Et pourtant, les dernières décennies regorgent d’histoires similaires.

J’ai moi aussi eu envie de me réfugier derrière ma première idée. Celle qui disait que moi, j’aurais eu le déclic au bout de quelques minutes. Qu’oublier un bébé une journée entière dans une voiture surchauffée c’est tout simplement impensable. J’ai eu envie de me convaincre que mon instinct parental se serait manifesté avant qu’il ne soit trop tard. Que moi, mon bébé, je ne l’aurais jamais oublié.

Je me suis tue durant plusieurs heures. J’ai lu les articles, les commentaires et les statuts qui se multipliaient à une vitesse vertigineuse. Heureusement, à travers ce raz-de-marée de jugements,  quelques courageux comme Josiane, ont osé dire : « J’aurais pu être cet homme ».

Puis, j’ai lu un texte percutant. Un texte qui met en lumière l’histoire de treize familles ayant vécu un drame identique à celui qui s’est joué à Saint-Jérôme. Un texte publié en 2014 par le Washington Post : Fatal Distraction: Forgetting a Child in the Backseat of a Car Is a Horrifying Mistake. Is It a Crime?

La claque au visage est finalement arrivée. Celle qui accompagne la prise de conscience. Cette peur viscérale de ne pas être à l’abri. Celle qui fait réaliser que je peux moi aussi être faillible, même pour l’être que j’aime le plus sur cette terre. Même si je m’efforce, chaque seconde, d’être la meilleure maman possible. Même si mon instinct veut hurler intérieurement que jamais je ne pourrais me rendre coupable d’une telle erreur.

J’en suis venue au constat que mon jugement personnel et mon opinion face à ce papa sont vains. Ils ne ramèneront pas ce petit être à la vie. À quoi bon ajouter ma voix à un débat qui n’en est pas un si ce n’est que pour parler de prévention et implorer mon entourage de redoubler de vigilance.

Porter la culpabilité de la mort de son propre enfant, c’est sans contredit la plus cruelle des condamnations que peut humainement subir un parent. C’est une prison pour le cœur et l’esprit et il n’existe aucune clé qui permette un jour de s’en libérer.

Cet homme et cette famille brisés n’ont nul besoin de lire des propos déplacés empreints de haine. Le tribunal populaire n’a pas à se prononcer. Le vide laissé par l’absence de cet enfant constitue déjà une peine à perpétuité.

Alors, collectivement, taisons notre jugement, le bruit de sa culpabilité résonne déjà bien assez fort.