Quand tu as un nom de famille inhabituel, tu es prédisposée à te faire niaiser. C’est bien évident que ça va finir par passer. Est-ce que c’est blessant? Pas vraiment, mais ce n’est tout de même pas agréable. Est-ce que je peux vivre avec? Tout à fait. Alors on avance.

Quand tu as des seins assez développés à 12 ans, c’est normal que des allusions soient faites par les garçons, par les filles, par la famille… C’est vrai que tu devrais faire attention de ne pas projeter une image trop « sexuelle » à ton âge. Même ta mère le dit : « t’sais, les hommes sont tous pareils et les filles sont toutes hargneuses ». Dans le fond, un coton ouaté pis c’est réglé.
 


C'est moi à 13 ans, avec mon papa
Crédit : Sabrina Hurd

Quand un garçon s’intéresse à toi, mais te dit de n’en parler à personne pour ne pas nuire à sa réputation, c’est triste. Tu le comprends, dans le fond, il est populaire, lui. Au moins, il passe du temps avec toi quand tu promènes ton chien et au moins, tu as une relation.

Quand ta mère prend la peine de te concocter des lunchs complets, diversifiés et abondants au cas où un autre enfant en aurait besoin, ça doit être correct qu’il disparaisse sans avoir mis un croc dedans. Ta mère en a parlé au directeur et rien n’a changé. Alors, ça doit être acceptable.

Si tu n’as pas les nouveaux vêtements les plus à la mode, c’est sûr que tu ne développeras pas un grand cercle d’amis. Ce sont tes parents qui ne comprennent pas!  Ils sont tellement de mauvaise foi. Tu subis tout ça à cause d’eux!

Quand tu as un espace entre les palettes, c’est certain que ça ouvre la porte aux commentaires. Ce n’est pas si pire, au moins tu ne souris pas souvent. Tu ne sais pas trop pourquoi… C’est comme ça.

Quand tu te fais tirer les cheveux, plaquer contre ton casier, briser un bloc de glace sur la tête, crier des noms, rejeter, ça fait peur. Aller à l’école la peur au ventre pour construire ton avenir, ce n’est pas encourageant. Pourtant, tu fais tout ce qu’ils t’ont dit de faire! Tu les ignores, tu regardes par terre, tu te dépêches de partir avant tout le monde à la fin de la journée… Ça ne change rien. Alors tu es malade, ou tu fais semblant, ce n’est plus très clair dans ta tête.

Tu te dis que peut-être qu’une journée de répit va te donner la force de continuer. Peut-être qu’ils vont avoir pris quelqu’un d’autre pour cible à ton retour. Peut-être que l’école va mettre en place des ressources efficaces pour t’aider. En même temps, la direction doit penser que tout est revenu dans l’ordre puisque tu n’en parles plus. Quand ce que tu vois comme une solution empire la situation, tu te tais.

Quand, plus tard, tu deviens maman, femme, amie ou sœur, tu te rends bien compte qu’il n’y avait rien de sain dans tout ça. Tu te trouves forte d’avoir traversé cette tempête, mais tu ne sais même pas comment tu as fait. Tu imagines qu’on s’habitue à la douleur au fil du temps et, ironiquement, ça fait mal. Parfois, tu te demandes si le bonheur que tu vis chaque jour est réel et combien de temps il va rester.

Alors, tu serres ton fils dans tes bras et tu anticipes sa tempête à lui. Tu embrasses ton mari qui est toujours là et tu barricades votre amour dans ton cœur pour pouvoir affronter tous ceux qui tenteront de briser cette forteresse.