Je venais de fêter mes 23 ans.  J'étais ambitieuse et prête à conquérir le monde.  Avec bonheur, je marchais les derniers pas du long chemin de mon rêve.  Quelques mois de stage et c’est comme si ma vie pouvait enfin commencer : j’allais être avocate. 
  
Je me sentais bien.  En contrôle, même. J’avais un plan. Et je le suivais.  En prime, y’avait même un bel homme qui partageait mes nuits depuis peu.  
 
Par un soir de trop grand romantisme sur le bord du fleuve, on s’est dit que ça serait merveilleux d’avoir notre famille, à nous.  L’euphorie nous avait transformés et nous avons décidé de prendre le risque.  Parce que ce soir-là, c’était mer-vei-lleux.

 coucher de soleil bord du fleuveCrédit : Viateur/Pixabay

Six semaines plus tard, la magie du moment bien tassée, mon monde s’écroulait.  L’Univers nous avait écoutés : j’étais enceinte.  Pas de doute, y’avait neuf tests de grossesse qui me le confirmaient.  Je capotais.  C’était pas dans le plan finalement.  En fait, ça l’attaquait. Mon rêve était en jeu.  Et cet homme, on avait beau s’aimer, on se connaissait à peine. C’était tellement déraisonnable. C’était tellement pas moi.
 
Lui, il avait traversé l’enfer (lire ici) et l’idée d’avoir sa famille, c’était porteur d’espoir.  C’est en plongeant son regard dans le mien qu’il m’a fait toutes les promesses du monde pour me convaincre de garder le bébé. J’ai versé des larmes de peur et j’ai décidé de le croire.  Parce que je sentais que ses yeux disaient vrai.  C’était les hormones, I know.
 
Les mois qui ont suivi furent difficiles : il nous fallait faire face à la musique.  Me faire à l’idée de devenir mère.  Me trouver une job de fille ambitieuse, enceinte. Préparer une place pour l’enfant qui arrivait. L'homme et moi devions apprendre à nous connaître en même temps que nous devions faire face aux jugements.  
 

découragement Crédit : Unsplash/Pixabay

Et ils fusaient de tous les bords.  De mes collègues de classe, j’étais la fille née pour un p’tit pain.  De la famille, nous étions « beaucoup trop vite en affaires ».  « Voyons, ils se connaissent à peine ».  « Elle est encore étudiante ».  « Elle a pas de job ».  « Mais à quoi ils ont pensé? »  

Sauf que des options, y’en avait pas tant.  Revenir en arrière, pas possible!  Pis là, notre décision que je trouvais full responsable ouvrait étonnamment la porte aux gens pis à leurs douloureux jugements.  

« Et si je m’étais fait avorter? »  Personne ne l’aurait su.  Personne ne se serait permis de juger.  #LesGens avaient perdu ça de vue. 
 
Une grossesse, c’est neuf mois.  Neuf mois que nous avons consacré à tout préparer pour la venue de notre Rose.  
 
Rose est née les yeux ouverts.  Rapidement, j’ai réalisé que Rose nous avait choisis.  En s’invitant dans ma vie, elle m’a enseigné à devenir maman, à regarder les choses différemment et par-dessus tout, à aimer, pour vrai.
 
Voilà maintenant neuf ans que je faisais ces neuf tests de grossesse.  Voilà neuf ans que nous décidions de nous tenir debout, ensemble, faces aux jugements.  

Rose a un petit frère de 5 ans.  Des parents qui s’aiment, comme pas possible.  Une mère qui a trouvé une job, enceinte.  Un père qui a rempli ses promesses.  Rose a une histoire riche.  Une histoire heureuse.    

Comme je n'ai pas le pouvoir de revenir dans le temps pour me donner une petite dose d'espoir et d'encouragement, je donne au suivant.  Je me tourne vers vous qui avez peur face à l'inconnu et je vous dis un sincère « courage, ça va bien aller »​.  Pis j'accompagne ça d'un gros câlin virtuel.  Parce que c'est vrai que ça va bien aller, faut juste y croire et faire c'qui faut.