Nous sommes le 15 octobre, Journée de sensibilisation au deuil périnatal. Je ne pensais jamais donner un sens à cette date ou même être au courant de son existence avant de devenir une tante orpheline, il y a maintenant plus de six ans. J'utilise ce terme à défaut de savoir ce que je suis. 
 
J’ai toujours su que ma sœur allait être la première à avoir un enfant. Elle était l’aînée et rêvait de ce jour depuis qu’elle était toute petite. Quand elle est tombée enceinte, je me suis retenue à deux mains pour ne pas me garrocher dans la section des enfants au GAP avant que le bébé ait passé le cap des trois mois. Je me disais que je ne voulais pas jinxer l’affaire, mais qu’une fois cette étape franchie, je me gâterais et surtout, je m’amuserais à acheter des morceaux beaucoup trop chers parce que je serais une tante et que j’aurais juste ça à faire, gâter ce premier venu au sein de notre famille.
 
Je me souviens de la première photo d’échographie que ma sœur nous a donnée. Elle l’avait mise dans notre carte de Noël en nous conviant à une prestation exclusive de la part du bébé lors de la prochaine écho. Je ne pouvais malheureusement pas y aller à cause du travail, mais elle m'a appelée aussitôt qu'ils ont su que c'était un petit garçon. J’ai capoté ma vie.
C’est par une belle journée de décembre que j’ai acheté une adorable grenouillère à mon futur neveu. Je le voyais déjà gazouiller l’été suivant dans cet habit à imprimé de robots beaucoup trop mignon. Je me disais que je le trouverais donc beau en le regardant et que le bleu lui irait à merveille.
 
Je m’imaginais déjà le garder et le bécoter partout. Je me voyais lui offrir un album de Radiohead et lui dire que c’était le meilleur band qui n’ait jamais existé depuis les Beatles. Je me voyais l’accueillir chez nous après une dispute avec ses parents parce que j’aurais été la tante cool. Je le voyais déjà au volant de son auto en route pour aller chercher sa date pour le bal.
 
Puis, le coup de téléphone de mon père, un 17 février glacial, est venu détruire toutes ces visions. Le bébé était déjà en route, alors qu’on ne l’attendait qu’à la fin du mois de mai.
 
J'ai veillé mon neveu une nuit à l’hôpital parce que ma sœur et son conjoint étaient brûlés et se reposaient quelques heures. Ma grande sœur, si exténuée, m’a demandé de prendre bien soin de lui pendant leur court répit. Alors que je regardais cette merveille en modèle réduit construite par ma sœur et son amoureux, une infirmière m’a demandé si je voulais faire les empreintes de ses petits pieds. J’étais si émue, mais si triste à la fois en appuyant ses minuscules orteils sur le papier.
 
Puis, après dix trop courtes journées, il est parti comme il est venu. Tout doucement et courageusement, au milieu de la nuit, avec une assemblée complète, juste pour lui.
 
Cette nuit-là, je suis devenue une tante errante. Celle qui console, qui apporte des soupers et qui écoute. Celle qui pleure sa vie, mais que personne ne voit. Celle qui se sent vide, mais qui continue malgré la plus grande douleur qu’elle ait pu expérimenter au cours de sa vie.
 
En cette Journée de sensibilisation au deuil périnatal, j’ai une pensée particulière pour ces tantes et ces oncles, ces grands-parents et amis qui ont accompagné les parents dans les profondeurs de la tristesse. Et vous, chers papas et chères mamans, je vous envoie toute la tendresse du monde.