Quand je rencontre des personnes qui savent que je proviens de Mégantic, une des premières choses qu'elles me demandent c'est : « Comment as-tu vécu la tragédie? Connais-tu des personnes qui y ont perdu la vie? »
 
J'ai longtemps ressenti un malaise à raconter la façon dont j'ai vécu cet événement parce qu'en aucun point mon récit ne se rapprochait de ce que mes parents, ma belle-sœur et mon beau-frère, mes sœurs, mes amis d'enfance, ma famille élargie et de nombreuses connaissances avaient vécu.
 
J'étais une spectatrice extérieure à cette tragédie, confortablement blottie dans mon cocon familial à Montréal avec un bébé de quatre mois.
 
J'ai craint le pire pour mes proches, alors qu'il était impossible de les rejoindre. J'ai été terrifiée par les images diffusées par les médias. Les informations qui arrivaient au compte-gouttes me faisaient paniquer encore plus.
 
J'ai été en état de choc, mais je me le niais à moi-même parce que presque tout le monde que je connaissais avait vécu cette catastrophe directement. Une réalité inimaginable et effroyable. Je tentais d'être à l'écoute du mieux que je pouvais, mais tout cela me dépassait tellement.
 
J'ai aussi dû accepter que je n'avais pas l'énergie ni les capacités de me mettre en action pour aider ma communauté d'origine. Prendre soin de ma petite était prioritaire. Pour une des premières fois de ma vie, j'étais limitée dans mon implication et confinée à un rôle d’observatrice. J'étais envahie d'une impuissance coupable.  


La reconstruction.
Crédit : gosselin ronald/Flickr

 
Je vous raconte tout cela parce que j'ai longtemps cru que mon propre récit narratif n'était pas légitime, qu'il n'avait pas de valeur comparativement à ceux des gens qui me sont chers.
 
Après plus de trois ans, j'ai compris que ce que nous vivons vaut la peine d'être partagé. Et ce, même si des personnes traversent des expériences plus difficiles que les nôtres ou des tragédies, ici ou ailleurs.
 
Je n'ai plus honte de raconter comment j’ai vécu cet événement dramatique. Et j'y rends hommage avec fierté au courage des Méganticois(es) et des pompiers, à la résilience des familles éprouvées et des amis(es) marqués(es) à jamais. J'accepte que les deuils, notamment les apprentissages qu'ils nous apportent, peuvent prendre du temps.


Coucher de soleil sur le lac.
Crédit : Ben Soen / Flickr

 
Le fait de se raconter a plusieurs pouvoirs. Nommer une réalité permet de libérer la parole, de trouver du réconfort, de prendre une distance face à la situation. Les récits nous déchargent du poids des émotions que les difficultés rencontrées nous font vivre.
 
Retenez-en seulement une chose : il est essentiel que vous partagiez ce que vous vivez. Que ce soit des émotions de joie ou de peine, verbalement ou à l'écrit, virtuellement ou autour d'un café, avec votre famille ou des inconnus. Votre parole sera toujours importante et votre histoire est légitime.

À tout moment, il est possible de demander de l’aide auprès d’un(e) professionnel(le) de la santé et des services sociaux. C’est gratuit et confidentiel.
Service Info-Santé et Info-Social : 8-1-1
Prévention du suicide : 1-866-APPELLE (277-3553)
Fiche d’information pour les personnes ayant été confrontées à un événement traumatique.