Ma fille,

Maman est émotive ces jours-ci. Tes petites antennes, le ressentent, je sais. Je le sens, je le vois. Ton autisme n’a plus beaucoup de secrets pour moi. Il y a bien longtemps que j’ai appris les techniques pour contrôler ma propre anxiété afin qu’elle ne t’affecte pas, mais cette semaine c’est difficile. Plus difficile que jamais.

Pourquoi? Parce que je t’aime, que je te protège depuis tellement longtemps, mais je ne suis pas toujours là, je ne serai pas toujours là. Mes yeux ne peuvent pas tout voir et encore moins tout savoir. C’est un deuil que j’ai dû faire : je ne pourrai pas t’éviter toutes les peines, toutes les embûches. Je le vis bien maintenant, mais pas cette semaine.

Cette semaine où les abus et la violence sexuelle sont au cœur de l’actualité. En tant que femme, les statistiques m’alertent pour moi, pour ta sœur, pour ta tante, mais d’autres statistiques m’ont carrément fait paniquer. Un article d’ICI Radio-Canada Bas-Saint-Laurent m’apprenait ceci : quatre femmes sur cinq qui vivent avec une déficience intellectuelle connaîtront dans leur vie une situation de violence ou d’abus sexuel.

Quatre femmes sur cinq. Cette statistique préoccupante provient d'une source sérieuse :  l’Association du Québec pour l’intégration. Ces derniers organisaient vendredi, à Rimouski, une journée de sensibilisation ayant pour thème : « Quand je ne veux pas, je dis non ».

Je sais, je t’entends me dire que tu n’as pas de déficience intellectuelle, que tu es autiste. Je le sais ma belle, je le sais bien. Par contre, malgré toute l’admiration et l’amour que j’ai pour toi, je sais que tu es plus vulnérable. Je sais que tu as bien du mal à détecter les intentions, les non-dits des gens. Autant tu es d’une grande sensibilité pour ressentir le stress de ces gens qui partagent la même pièce que toi, et que cela te cause des surcharges qui peuvent se terminer en crise, mais pour reconnaître leurs sentiments ou leurs intentions, tu pars loin derrière. Cette petite voix, la notion du danger, elle ne s’est pas installée naturellement en toi. C’est moi qui dois te transmettre ce qui est une source de danger potentiel.

C’est pour ça que je suis anxieuse actuellement, ma fille. Je refuse de te faire vivre dans un monde de peur, où je te condamne d’avance au rôle de victime. Par contre, quand je lis les commentaires tellement rétrogrades sur diverses tribunes du Web, je vois bien que la culture du viol est là, puissante. Que le « NON » n’a pas toute son importance, que la définition du mot consentement semble bien vague pour certains. Pour eux, il y a tant d’excuses comme l’habillement, l’alcool, le passé, l’attitude ambivalente, qui peuvent justifier une agression.

Je refuse qu’alors que je crie si fort contre la culture du viol, je sois celle qui, dans toute sa maladresse de mère, aux prises avec tes difficultés de compréhension, bousille totalement le message que je souhaite te transmettre. Ce que je souhaite pour toi, ce sont les bons outils pour que tu apprennes à respecter tes limites, que tu comprennes bien tes propres désirs, ton corps qui se métamorphosera dans les prochaines années et, surtout, que quand c’est non, c’est non!

Pour ce faire, je crois que nous devrons aller chercher de l’aide, car ce sujet est beaucoup trop important pour que je ne sois pas à la hauteur. La bonne nouvelle, ma fille, c’est que je connais une professionnelle qui pourra nous venir en aide.

Celle que les parents de personnes autistes apprécient autant que les personnes autistes elles-mêmes, pour sa personnalité, sa douceur, ses connaissances : Isabelle Hénault*. Sexologue et psychologue, elle a obtenu sa maîtrise en sexologie et son doctorat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal.

Elle est la référence en la matière et un sujet aussi important, la référence première est de mise.