Je crois que je te dois quelques explications, quelques mots pour que tu cesses d’errer, de demeurer dans l’attente de moi, de mon ventre. Oh! Ce n’est pas que tu ne sois pas assez bien pour moi, non. C’est plus compliqué que ça. Depuis que je suis toute petite, tu existes dans ma tête, dans mes pensées, dans mon cœur. Tu te serais appelé Virgile ou Flavie.

Quand j’étais plus jeune, je me disais que j'aurais des enfants avant l’âge de 25 ans (parce que 25 ans, c’est hyper vieux quand t’as huit ans!)... Et puis la vie m’a prise dans son tourbillon, dès mes 18 ans. Tu occupais pas mal moins mes pensées, rendu là.

Dans ma jeune vie d’adulte, ce n'était pas un choix, plus un manque de temps, des priorités différentes, un emploi passionnant, une tonne d’amis, mille raisons de faire la fête et une grosse dose d’égoïsme, de « selfisme ». Tu vois le genre?

Ensuite est venu celui qui aurait pu être ton père. Quand il m’a parlé de toi, j’ai envoyé promener cinq ans d’une vie de couple harmonieuse, de mots d’amour passionnés, de fous rires à deux et un futur mariage dont je rêvais, pourtant. Tout ça parce que tu me faisais peur. Même pas là encore et plus effrayant que le pire des films d’horreur.

Après ça, je me disais que j’avais le temps, que je t’aurais un jour, mais pas tout de suite. Et le temps a passé… Au seuil de la quarantaine, quand tous mes amis se sont fait des bébés, j’ai voulu moi aussi te concevoir. Enfin, je croyais que c’est ce que je devais faire. Sinon, pourquoi l’être humain est-il sur terre?

J’avais envie de tes petits pieds, de tes yeux rieurs, de ta petite tête pas de cheveux, de ta minuscule main serrant fort mes doigts pendant que je t’allaitais. J’avais envie de cet amour que l’on dit inconditionnel et incomparable. J’avais envie de voir en toi un peu de mon reflet. J’avais envie, oui. Mais j’ai eu peur. Trop peur.

De mois en mois, je repoussais le moment fatidique où ton papa et moi allions nous mettre à la tâche. De mois en mois, la certitude que je ne désirais pas être enceinte montait en moi. De mois en mois, tu t’effaçais un peu plus...

C’est si facile de briser un enfant. Je le sais, parce qu’on m’a brisée quand je n’étais qu’un petit bébé. Et tu vois, je veux mieux pour toi, je veux que tu tombes dans le ventre d’une maman où la peur ne prendra pas toute la place. Je veux que tu te choisisses une maman, et un papa, à la hauteur de l’être merveilleux que je sais que tu seras.

C’est grand comme ça que je t’aime, toi l’enfant que je n’aurai pas...