On va se le dire, j'ai pas grand-chose d'une fille ordinaire : j'ai étudié dans pas moins de neuf programmes différents (secondaire professionnel, cégep et université confondus) et j'ai exploré aussi pas mal de domaines professionnels.

J'ai les cheveux roux, mais ils ont déjà été teints en rouge, en noir, en blond et même avec des mèches turquoise. Je me maquille avec des couleurs assez bizarres, je porte toutes sortes d'affaires assez inusitées... Bref, je sors pas mal des sentiers battus.

Je suis une artiste et je me suis toujours pas mal sentie comme si je marchais en sens contraire de tout le monde. Je me suis toujours perçue comme un genre d'intrus dans la famille éloignée, je lis le journal en commençant par la dernière page et j'écoute du gros darkwave ben intense en alternance avec du Fiona Apple.

Les remises en question ont souvent été au centre de ma vie et honnêtement, autant la vingtaine puisse-t-elle amener son lot de joie de vivre, autant ai-je douté de moi-même comme c'est pas possible. J'étais persuadée que mon côté créatif et artistique omniprésent allait me scraper l'existence et que ma curiosité naturelle insatiable était un défaut qui m'empêchait d'être une personne stable.

J'ai toujours été habitée par un besoin intellectuel d'explorer le plus de choses possible et par un genre  d'urge de vivre plus ou moins contrôlée, freinée par une peur permanente de me planter ou de passer à côté de ce qui était conventionnel et dit « socialement normal ».

Un peu après la fête de mes 27 ans, j'ai rencontré un gars que j'avais connu sur le net quelques années auparavant : c'était lui aussi un artiste, un musicien, mais surtout le plus beau métalleux au monde. Ça a marché illico : on comprenait mutuellement nos sarcasmes et nos idées les plus bizarres. Il comprenait déjà mon besoin de créer et ma soif d'apprendre, qu'il partageait lui aussi. On avait aussi tous les deux le désir profond de fonder une famille. C'est devenu sérieux assez rapidement et on a voulu unir nos deux âmes créatives, sensibles et marginales pour poursuivre notre chemin.

Un jour de juin de cette année, année de mes 29 ans, j'ai fait descendre mon « gratteux de guitare » préféré d'une échelle pendant qu'il accrochait mes corbeilles de fleurs devant la maison parce que je criais comme une hystérique. Je venais de faire un test de grossesse positif après un peu moins d'un mois d'essais (nous étions tellement convaincus de devoir s'y prendre longtemps à l’avance pour que ça marche!)
Et le comble, c'est que bébé Logan est attendu... le jour de ma fête de 30 ans!

Quelle façon magnifique de terminer la vingtaine, dans la certitude d'avoir trouvé le bonheur d'un point de vue affectif et familial, dans la certitude d'avoir compris que le bonheur ne se trouve pas dans la recherche de la normalité, dans la certitude d'assumer enfin ma différence et mon individualité...