Mettons les choses au clair. Ma fille n’a jamais aimé les bisous. 

Jamais.

Comme dans Never.  Avec une majuscule grosse comme sa timidité. À 6 mois, 10 mois, un an, je mitraillais ma mère de questions. « À quel âge ils commencent à donner des bisous, les petits? » Et malgré le réconfort qu’on voulait bien me donner, je les voyais, les mamans au parc crouler sous les attaques de becs mouillés alors que mes joues demeuraient sèches et Bave Free, à mon plus grand malheur.
 

Mais avec le temps, j’ai compris. Que ce n’est pas parce qu’elle ne m’a pas assez vu faire et que le désir de m’imiter lui manque.  Que ce n’est pas parce que je ne lui en ai pas assez donné. Qu’elle n’est ni asociale ni atypique ni enragée.

Comment j'ai cru qu'elle me percevait pendant longtemps.
Crédit : Giphy

Elle a une bulle.  Des limites.  Son corps lui appartient et ça serait lui envoyer un message contradictoire à tout ce dont je crois que de la forcer à poser ses lèvres sur une joue dont elle ne veut pas s’approcher.  Que ce soit celle d’un inconnu ou celle de grand-maman.

Son Corps.  Ses limites.  Mon respect.  C’est les trois seules choses qui comptent. 

Si je veux qu’en grandissant, elle apprenne à protéger ce petit corps, si je veux qu’elle apprenne que non c’est non, c’est capital de commencer à lui envoyer les bons signaux dès son plus jeune âge.

Ma puce, personne ne peut te forcer à faire ce que tu ne veux pas.  Même pas maman. Son intégrité et le respect de sa personnalité passent bien avant les fausses conventions que la société voudrait lui imposer.
 

À l'aide!  On me kill with kindness!
Crédit : Aliaksei Lasevish/123FR

Est-ce que j’aimerais qu’on se colle plus? Oui.  Est-ce que j’envie les mamans à la garderie qui reçoivent le bisou du siècle tous les soirs de leur vie? Oui.  Est-ce que je me demande encore des fois si je lui ai enseigné la tendresse et l’affection comme tout le monde? Oui.  

J’apprends à chérir le câlin qu’elle veut bien me donner. Me disant qu’il vient d’elle. De son petit réservoir d’amour. Qu’il est spécial. Qu’il est rare et précieux, comme ceux qu’elle donnera plus tard aux personnes de son choix. Parce qu’elle l’aura décidé, elle, aux repas de famille, dans ses moments de party avec ses amis comme dans sa plus grande intimité.

Donc, à ceux qui sont déçus parce que ma fille ne les colle pas d’emblée ou ne les gracie pas sur commande d’un bisou sur le front et la joue, je suis désolée, mais je ne la forcerai pas à s’exécuter.  Je ne la gronderai pas.  Je n’essaierai pas de la soudoyer avec des promesses de télé ou de chocolat Hershey.  Profitez de sa bonne humeur, de son humour unique, de son sourire coquin; ça, y'en a pour tout le monde.

Non c'est non. Que tu sois humain ou mort-vivant.
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