« Sclérose en plaques ». C’est la nouvelle étiquette que m’a collé ma neurologue cet été. Elle l’a placée juste entre « maman d’un enfant de trois ans » et « future enseignante d’à peine 25 ans ». Je la porte maintenant comme une marque que je dois apprivoiser et apprendre à ne pas craindre.
 
C’est dit, voilà. Mon coming out. C’est sur Internet, gravé à tout jamais pour mes futurs employeurs, pour mes futures connaissances. Parce qu’on ne dit pas « Bonjour, je m’appelle Léa, j’aime les chats et j’ai la sclérose en plaques » dans une première discussion. Ni dans une deuxième, d’ailleurs. On attend, on évite, on espère. On sait que le sujet ne viendra pas et on n’a pas envie de l’amener non plus. Qui veut vraiment en entendre parler? Je peux confirmer par expérience que ça vous down une conversation, la maladie. Surtout que j’ai peur de devenir « la fille malade » et rien d’autre aux yeux des gens qui ne m’ont pas connue avant.
 
Parce que les gens ne sont pas à l’aise, ils ont besoin de réponses. Ils doivent contrôler la situation, ils doivent comprendre. Mais ce type de maladie s’en torche de notre compréhension, elle est plus confortable dans son imprévisibilité. Elle est déstabilisante pour les gens qui n’y sont pas habitués et frustrante pour moi, qui n’ai de réponses ni pour eux ni pour moi.
 
Mais entre les « Est-ce que ça te stresse? », « Qu’est-ce qui va arriver? », « J’ai lu que ça se guérissait, je t’envoie l’article. », « Ma cousine a une amie qui a eu six enfants après son diagnostic et son petit dernier est marathonien! » et les « La tante de l’ami de mon amie a cette maladie et elle ne marche plus depuis quinze ans. », la question qu’on me pose le plus souvent et qui me brise le plus le cœur est : « Quand aurez-vous un autre enfant? »
 
Je ne sais pas.
 
J’ai toujours voulu quatre enfants. Surtout après avoir rencontré mon premier. Comment ne pas vouloir avoir plein de versions de cet humain merveilleux? Mais depuis cet été, tout a changé.


Le doux merveilleux.
Crédit : poisson_cru/Instagram

Est-ce que je serais égoïste de vouloir un autre enfant, sachant que mes bons jours sont peut-être comptés? Est-ce que je peux vraiment faire ce choix conscient, en sachant que je laisserai peut-être mon amoureux avec deux enfants et moi à s’occuper pour le reste de ses jours?

Je ne sais pas.

Est-ce que je serais égoïste de priver mon fils d’avoir des frères ou des sœurs, sachant que je pourrais bien aller pour le reste de mes jours? Est-ce que je peux vraiment faire ce choix en me basant uniquement sur la peur qui me suit chaque jour? Est-ce que je devrais profiter de ce que j’ai avec ma famille en ce moment et faire vivre le plus d’expériences possible à mon fils, avec sa mère en santé?
 
Je ne sais pas.
 
Je ne sais pas et je ne saurai pas.

Ma famille.
Crédit : Léa Desbiens

C’est ironique parce que j’aurais préféré un diagnostic plus définitif. Un deadline, une finalité. Quelque chose qui m’aurait forcée à prendre une décision. Je suis aux prises avec encore plus de néant et encore moins de certitudes que lorsque j’ai commencé le processus médical.
 
J’apprends tranquillement à vivre avec elle. Je dois apprendre à avancer sans avoir peur qu’elle me rentre dedans #Émo. Actuellement, je vais très bien. Dans mon corps comme dans ma tête. J’essaie de rester dans un bon mood et de garder en tête que ça ne sert à rien d’anticiper le, très tentant, pire.