Ça doit faire au moins un an, si ce n’est pas deux, que les idées noires t’ont envahies. Elles se sont insinuées tranquillement et depuis, elles deviennent envahissantes. Jusqu’à prendre toute la place dans ta tête, dans ton cœur. Elles mènent maintenant ta vie. Elles sont entrain de te convaincre que cette vie ne vaut plus la peine d’être vécue.
 
Tu t’es mis à tranquillement nous lancer des phrases à double sens. Des messages feutrés où nous sentions poindre ta détresse, le début d’une idée précise face à la mort. J’ai osé te demander, dans un souper de famille, si tu avais des idées suicidaires. Sans détour. Sans peur de nommer les choses. Parce qu’il est inconcevable pour moi de passer sous silence des phrases comme « J’ai tout vécu, je peux partir en paix ».
 
Tu m’as assuré que non, tu n’avais aucune idée du genre. Je n’ai pas insisté, mais j’ai pris le temps de sensibiliser les autres au fait que des appels à l’aide de ce genre, c’est loin d’être banal. Nous devions collectivement redoubler de prudence.
 
Les semaines et les mois ont passés. D’autres coups durs se sont ajoutés. Tes propos sont devenus des messages qui ressemblaient à des adieux. Tu t’ouvres à certains d’entre nous, mais tu refuses l’aide qui te serait vitale.
 
Tu es majeur. Le secret professionnel nous empêche de savoir si tu consultes vraiment un psychologue comme tu le prétends. À moins que tu ne présentes un danger immédiat pour ta vie ou pour celle d’autrui, nous ne pouvons te forcer à consulter. Nous sommes des spectateurs impuissants de ce drame qui se dessine sous nos yeux.
 
Nous te regardons consommer, t’étourdir, geler ta peine. Nous regardons ta vie qui part dans toutes les directions. Nous t'appelons chaque jour, la peur au ventre de ne pas avoir de réponse. Nous regardons la rivière dans laquelle tu menaces de te jeter avec un frisson qui glace l’échine. 
 
Tu dis que ta décision est prise. Que tu sais où et comment tu passeras à l’action. Tu ne veux plus être un fardeau pour ta famille. Tu crois que nous serons mieux sans toi. Si tu savais à quel point c’est faux. Si tu savais combien de personnes seraient brisées si tu passais à l’acte. Si tu savais comme notre cœur est plein d’amour et d’espoir pour toi.
 
Je sais que tu veux cesser de souffrir. Je te promets que c’est possible ici et maintenant. Avec de l’aide professionnelle. Avec de l’amour à profusion. Avec un réseau aidant comme tu as la chance d’avoir. Ta souffrance, nous la portons tous, mais nous portons surtout la peur de te perdre. Cette peur viscérale de ne pas arriver à te sortir de cet abysse.
 
En cette semaine de prévention du suicide, encore une fois et plus que jamais, j’ai envie de te crier : « S’IL TE PLAÎT, NE TE TUE PAS! »
 
Prends le téléphone et compose le 1-866-APPELLE, le numéro de tes parents, celui de tes frères et sœurs ou le nôtre que tu connais par cœur. Derrière toute cette noirceur se cache notre amour indéfectible et surtout, le POUVOIR que tu as d’être heureux de nouveau. Parce que c’est possible. Pour vrai. Nous sommes là. Permet-nous de t’aider. T’es important pour nous.