Mise en garde : ce texte dénonce une réalité peu connue et comporte des propos très durs qui peuvent choquer.

Il faisait vraiment beau ce jour-là. Ça sentait bon, le soleil était chaud et la petite fille de deux ans que j’étais alors ne se doutait pas que tout son monde allait basculer là, là. Profitant de nos jeux enfantins, mon cousin âgé de « 5-ans-mais-presque-6 » m’a entraînée derrière la maison et a mis sa langue dans ma bouche. À deux ans, je suis devenue grande.

Évidemment, mon premier réflexe fut de lui dire que j’allais le dire à mon père. Il m’a dit que si je faisais ça, mon papa ne voudrait plus de moi. J’étais adoptée et il le savait. Il m’a dit que mon papa me renverrait d’où je venais, car j’étais une mauvaise petite fille. Il n’y a que les mauvaises petites filles qui mettent leurs langues dans la bouche des petits garçons. Voilà, la graine était plantée. J’étais vilaine et tout était de ma faute. J’étais prisonnière de mon secret et du long calvaire qui allait suivre.

Bien vite, les jeux sexuels ont évolué. Je devais avoir 4 ans lors de la première pénétration. Oui, 4 ans. Lui, « 7-ans-mais-presque-8 ». Ça arrivait souvent. Son petit pénis dans ma bouche aussi, ça arrivait souvent. Il me montrait même quoi faire, comment bien le faire. Je me souviens de tellement de choses : les sons autour de moi, la température, la musique que je me faisais jouer dans ma tête pour que ça passe plus vite, les odeurs… Surtout l’odeur de son haleine. Je n’oublierai jamais l’odeur de son haleine. Son sourire satisfait, suffisant... méprisant.

Vers mes 8 ans, j’imagine qu’il avait fait le tour, il s’est mis à m’offrir en cadeau à ses amis… Tous en même temps. Je vous épargne les trop nombreux souvenirs de ces partouzes prépubères dont j’étais la vedette. Mais en gros, moi, au milieu d’un cercle d’enfants, offerte en pâture. Je sais, la scène lève le cœur. Imaginez quand vous l’avez vous-même vécue…

Contrairement à toutes mes amies, je bénirai à jamais le jour où j’ai eu mes premières règles. Ce fut pour moi jour de délivrance! Il ne m’a plus jamais touchée à partir de ce moment-là… 10 ans d’enfer, 10 ans d’angoisse, 10 ans d’anxiété, 10 ans à être une enfant difficile qui faisait des crises gigantesques pour des riens. 10 ans à garder en dedans un appel à l’aide : « SAUVEZ-MOI »!

Briser le tabou de l’enfant agresseur et de l’enfant agressé.

Devenue adulte, j’ai fait une thérapie. Ma psychologue n’en revenait pas que je puisse raconter mon histoire sans pleurer, sans même avoir d’émotion. Ensuite, elle a compris. Elle dit que je me suis bâti une vie parallèle étant enfant, que c’est l’instinct de survie qui fait ça. Que c’est grâce à cette vie parallèle que je suis encore là aujourd’hui et que je peux avoir une vie normale. Elle m’a aussi dit que les enfants ayant vécu des traumatismes ont la capacité de se souvenir d’événements survenus très tôt dans leur vie, comme dans mon cas. 

Je n’ai pas tenté d’analyser son profil à lui. Comment se fait-il qu’à un si jeune âge, il savait tout du sexe? Par quoi est-il passé? Désolée, je n’ai aucune empathie pour mon bourreau. Même s’il était un enfant. Dans ma tête, il était grand. En tous cas, plus que moi. Et il était méchant.

J’ai un message important toutefois qui vient de la petite fille qui vit toujours en moi : mes parents m’ont conscientisée très jeune au fait qu’un adulte n’avait pas le droit de toucher à mes parties intimes, que mon corps m’appartenait. Ils ne m’ont jamais dit qu’un autre enfant n’avait pas le droit d’y toucher. Dans ma tête de petite fille, ça a fait toute la différence, vraiment. Dites à vos enfants que PERSONNE, ni un adulte, ni un enfant, n’a le droit d’abuser de leurs corps. Ainsi, le message sera clair. Il vaut toujours mieux prévenir. Parce que non, tout ne se guérit pas, on apprend juste à vivre avec.