Salut.
Je m’appelle Marie-Josée Gauvin, et je suis une MMA. Une Mère Molle Anonyme. 
Tous en chœur : Salut, Marie-Josée.

Laissez-moi croire que je ne suis pas seule.
Le « A » dans « MMA » est bien important, parce que le dire haut et fort n’est pas bien vu. Un parent est un modèle autoritaire, celui qui établit les limites, qui fournit le cadre. Le parent est celui qui établit si l’enfant peut manger un popsicle à 7 h du matin et celui qui résiste aux caprices de la progéniture dans l’allée de bonbons. Un parent peut laisser son enfant pleurer pour un oui ou pour un non, surtout pour un non.

J’échoue lamentablement à tout ça. En public, je dis que je suis une maman « permissive ». Je l’ai d’ailleurs volé à Cel’ (Céline Dion, pour les non-initié.e.s). Je l’ai entendue dire ça en entrevue et j’ai eu une épiphanie : « Voilà! Je ne suis pas molle, je suis permissive! » You wish. Je suis molle, molle, molle. Je n’ai pas réussi « à la casser ». Je n’ai même pas essayé, pour être franche. 

Confession n°1
S’endormir toute seule dans son lit? Nope.
Il y a les histoires, les bonshommes dans le dos, la séance de berçage où l’on regarde les étoiles, les comptines, le flattage, les « Ok. Maman s’en va en bas, tu ne te relèves pas » suivis des « Maman, viens dans mon lit, bouhouhou » dans les escaliers, moi qui remonte, qui me recouche, le recollage et le dodo, éventuellement.

Inutile de vous dire que je ne regarde jamais Unité 9 en direct. « Laisse-la pleurer », qu’on me dit, « ça va prendre deux semaines et tu vas l’avoir cassée. 'Faut qu’elle comprenne que c’est toi le boss. » Oui mais souvent, c’est elle qui me flatte, qui me chante des comptines, t'sais. Je trouve ça tellement charmant et calme. C’est bien plus doux que de regarder Booba crever l’œil du directeur, dans le fond! (Ça, c’est dans Unité 9, pour les non-initié.e.s.)

Elle se réveille la nuit? Je retourne me coucher avec elle, dans son lit stade 1 IKEA, où mes genoux m’accotent au menton. Au frette, parce qu’elle dort sans couverture. Quoique sa petite main, qu’elle prend soin de déposer dans le creux de la mienne, semble envoyer de la chaleur de mes orteils jusqu’aux oreilles. 

Là encore, « laisse-la pleurer », qu’on me dit.

« Du lait, aouplait. » Le s’il vous plait à 5 h du matin me convient et on va lui chercher une bouteille. Encore. À deux ans. Je vous entends scander : « Laisse-la pleurer...! » Mais elle a peut-être vraiment soif! Moi aussi, j’ai soif la nuit, des fois! « Merci, maman d’amour », qu’elle me dit.

Confession n°2
Elle me prend le visage, collée, avec sa face de coquine, me dit BONBON, et accentue encore plus sa face coquine! Je dis oui. Elle danse de bonheur. Elle me dit MERCI. J’ai le cœur qui pleure de beau, de vie, à la regarder être heureuse. 

Et ainsi de suite...

Je brise donc aujourd’hui l’anonymat. J’avoue mon comportement, que certains trouveront déplorable puisqu’il construit un humain roi, sans respect de rien, têtu, à qui tout sera dû. Je ne le crois pas. Permettez-moi de m’expliquer.

Nous élevons nos enfants avec nos valeurs, notre expérience, nos désirs. Nous élevons nos enfants en conséquence, avec ce que nous avons connu. J’élève ma deuxième fille en ayant laissé partir la première dans le ciel, après une malchance de maladie dans son petit corps. J’élève ma fille avec un sentiment d’urgence d’amour et de bonheur.
Elle n’était pas née que je le savais, que le bar à bonbons serait open, qu’elle aurait beaucoup trop de bras aux yeux de certains, et qu’elle serait gâtée. Mais pas pourrie. Une gâtée qui dit merci. Pour moi, c’est ça, le plus important.

Si je fais d’elle une personne qui remercie et qui est consciente de ce qu’elle a, une personne qui rit plus qu’elle ne pleure, une personne consciente qu'il faut profiter de la vie, qui s’en réjouit chaque minute et qui fait attention aux autres, à grands coups de caresses et de aouplaits, alors, j’aurai réussi. Plus que si elle s’endormait seule dans son lit.

Laissons-nous guider par nos expériences. Connaissons assez notre propre enfant pour savoir ce qui est bon pour lui et suivons notre instinct. C'est la seule chose qui ne devrait pas avoir de limites.

Êtes-vous aussi une Mère Molle (pas tout à fait) Anonyme?

Note : Pour vous rassurer, ma fille demande encore plus de tomates et de brocolis que de bonbons et est plus excitée à la vue de houmous que de crème glacée.