C’est arrivé un soir de semaine. En sortant de la maison, j’ai couvert mon fils de bisous, l’ai inondé de « je t’aime », lui souhaitant une « bonne soirée mon amour ». Sans un regard pour mon chum, ou presque. Et ça m’a frappée. Ce n’était plus lui, mon amour.

J’étais tombée dans ce piège tellement gros, tellement évident que je croyais que moi, que nous, allions l’éviter. Je n’étais plus amoureuse de mon amoureux. Mon fils avait pris toute la place.
Quand je suis tombée enceinte, une fois passés le choc et ses tourments, mon chum et moi avons vécu un grand bonheur. C’était le projet le plus fou, le plus emballant dans lequel nous nous étions embarqués. Cet amour pour le trésor caché au creux de mon ventre nous unissait, nous rendait encore plus proches.

Puis, est arrivé le jour le plus intense de notre vie, la rencontre de notre fils après une nuit complètement échevelée. Nous étions épuisés, mais heureux et plus amoureux que jamais. Mon high d’ocytocine était tellement fort qu’il a même débordé sur mon chum, que je voyais comme un demi-dieu pendant les premiers jours. Je dégoulinais d’amour pour mes deux hommes.  

Les semaines ont passé et les hormones magiques se sont calmées. Sont arrivés le manque de sommeil, les tétées groupées, la routine. Bye bye l’intimité. Bonjour le régurgi et les cernes.
Mon amoureux est retourné à sa vie d’avant. L’école, le travail. Pas moi. Moi j’étais à la maison. On n’était pas sur le même beat. Et pour être franche, j’étais un peu jalouse du sien.

Nous nous sommes donc tranquillement éloignés. Pendant que j’étais toujours aussi gaga de mon fils. Pendant que je l’aimais un peu plus chaque jour. Pendant que j’apprenais ce que ça voulait dire, aimer sans rien attendre en retour.

Jusqu’à ce soir de semaine. Jusqu’à ce que je réalise qu’on ne se souriait plus comme avant. Qu’on ne se touchait plus comme avant. Qu’on ne riait plus aux larmes comme avant. Qu’on était devenus des parents, mais qu’on avait égaré les amoureux quelque part en chemin.

Le soir, sur l’oreiller, j’ai lancé un « j’t’aime pu » qui a fait mal. Des mots plus douloureux qu’une claque. Mais après 16 ans d’amour, on n’en était pas à notre première tempête. La conversation se voulait un wake-up call, pas un adieu.

On a profité des vacances du temps des fêtes pour essayer de retrouver ce qu’on avait égaré en chemin. On reconstruit notre intimité et notre amour un petit morceau à la fois et j’ai bon espoir que ça va marcher. Parce que quand je le regarde, je vois encore l’homme de ma vie, celui avec qui j’ai envie de partager mon quotidien, de réaliser plein de projets, de vieillir et de voir grandir notre fils.  Cet amour plus grand qu’on ne l’avait imaginé a pris toute la place. À nous maintenant de ramer fort pour nous rappeler qu’à la base de ce trois si fort et prenant, il y avait un deux tout aussi important.