La Mort fait malheureusement perdre plus que la personne qui nous quitte. Je lui attribue une majuscule parce qu’elle est plus forte que tout ceux qui en portent une à leur nom. Elle l’a méritée. La Mort règne et ne s’éteindra jamais, elle. Même quand on sait qu’elle frappera sous peu, rien ne prépare à ce qui frappe encore plus fort : ceux qui restent.
 
La Mort m'a confirmé pourquoi je n’étais pas particulièrement proche de certains membres de ma famille. La personne qui m’a promis d’attendre mon retour de mon tout premier voyage pour les funérailles de ma grand-mère, par exemple. Nous étions à son chevet, témoins de sa douleur que nous savions tous sur le point de disparaître en même temps qu’elle. « Ben voyons donc, fais-toi en pas avec ça! C’est sûr qu’on va t’attendre », qu’elle disait.
 
Pourtant, une fois le départ irréversible arrivé, elle en a choisi autrement. Le coup s’est rendu, et il a fait plus de mal que la mort de ma mamie et marraine elle-même. La cérémonie aurait lieu quand j’allais être dans un autre pays.
 
C’est ça qui fait mal, l’autre visage que les gens mettent à la visite de la Mort. Un visage que je n’avais jamais vu auparavant. Une façade qui reste la même pour les yeux, mais certainement pas pour le cœur. 
 
La bonne nouvelle, c’est que j’ai réussi à déplacer mon voyage, chose qui, semble-t-il, relève du miracle. Cette journée a été une des plus difficiles de ma vie. Assister au dernier hommage de la femme extraordinaire qu’était ma mamie tout en regardant les membres de ma famille qui ont tenté de m’exclure de cet événement. Voyez-vous, moi ça ne m’adonnait pas pantoute et j’ai réussi à venir parce que ça comptait pour moi. 
 
J’ai tenu la main de ma grand-mère la veille de son décès pour quelques minutes d’éveil. Elle a serré ma main pour essayer de gérer une douleur qui n’aurait jamais dû lui être imposée. Les quelques minutes avant sa prochaine dose d’antidouleur qui lui permettait d’attendre la suivante. J’ai pu poser ma main sur son urne et lui dire au revoir parce que ça comptait. Peut-être pas assez aux yeux de certains, il faut croire. J’étais là. Personne ne m’aurait enlevé ça. Pas même une promesse brisée, un déplacement ou un voyage à l’étranger. Rien ni personne. 

Crédit : Brigitte Brunet