J’ai toujours eu de la misère à m’aimer. Je me suis souvent enfermée dans ma coquille pour éviter de me faire mal. Je préférais manquer des opportunités que de m’écorcher aux autres.

Le début du secondaire m’a mise à rude épreuve. On m’a dit et on m’a fait des choses très blessantes, notamment parce que je faisais de l’acné. Me renfermer sur moi-même en cas de besoin n’était plus suffisant face à l’intimidation. Ma face ne correspondait pas aux standards de beauté et je ne pouvais rien y faire, sauf attendre que ça disparaisse. Et c’est ce qui s’est passé. Les méchancetés se sont tranquillement dissipées au même rythme que mes boutons.

Mais le mal était fait. Ma confiance déjà précaire s’est envolée. Je ne m’aimais plus. Heureusement, j’ai toujours été bien entourée. Ça m’a aidée à endormir profondément la bête noire qui vit en moi et à résister à l’envie qu’elle m’avale tout rond pour arrêter d’avoir mal. Ça m’a permis de passer à autre chose et de faire mon chemin dans la vie. Je me suis refait une carapace. J’ai même réussi à accomplir des choses dont je ne pensais jamais être capable.

Sauf que le soir, quand je me retrouve seule avec moi-même, je m’empresse d’ouvrir un roman ou la télé pour éviter de me faire face. Devant le miroir, les horreurs prononcées il y a 15 ans bourdonnent encore dans mes oreilles. Pire, elles alimentent mes propres critiques. Le jour, je traîne constamment un boulet dont je peine à me détacher. Quand j’entends des gens rire au loin, j’ai l’impression que ça me concerne. Quand on me regarde, je m’empresse de me regarder à mon tour dans un miroir pour m’assurer que je n’ai rien qui cloche. Je n’ose presque jamais côté look par peur de sortir de ma zone de confort et de devoir faire face aux commentaires des autres. Pratiquement tout ce que je fais ou ce que je dis, je le calcule en fonction de ce que les autres pourraient en penser.

Il y a plus d’un an, j’ai donné naissance à une petite fille. Ce simple événement a été plus fort qu’une thérapie ou des médicaments. Cette petite chose qui peinait à tenir sa tête seule m’a appris à relativiser et à m’aimer un peu plus pour être capable de l’aimer comme une mère aime son enfant.
Tout n’est pourtant pas réglé. Quand je me regarde dans le miroir, je n’aime toujours pas ce que je vois. Je me permets encore de dire les pires commentaires qui soient sur mon physique ou sur ma personnalité. C’est alors que ma fille tire sur mon pantalon. Je baisse la tête et je la vois qui me regarde avec les yeux remplis de bonheur d’être à mes côtés. Elle tend les bras pour que je la prenne. Elle éclate de rire lorsque je l’attaque de bisous. Elle part ensuite à l’exploration de mon visage en y touchant tout ce qui le compose. Pour elle, je suis tout. Pour elle, je suis belle.

Maintenant qu’elle commence à comprendre le sens des mots, elle commence aussi à comprendre que je me dis des atrocités. Je ne suis pas le modèle que je voudrais lui transmettre. Comment peut-elle apprendre à avoir confiance en elle si je n’y arrive pas? Ce n’est plus seulement moi que ça détruit.

Alors je me lance un défi. Je n’ai aucun contrôle sur ce que les autres pensent. Ce que je contrôle par contre, c’est ce que je pense de moi-même. Je dois apprendre à m’aimer pour que mes mots aient un véritable poids lorsque je parlerai de confiance à ma fille. Je dois trouver la force de faire la paix avec mes démons du passé. Pour elle. Et pour moi.

Avez-vous relevé un défi semblable grâce à vos enfants?