C’était un matin important. Pas à la maison, non. 
Ça, c’était ben ordinaire. 
Un verre de lait renversé. Un trait d'eye-liner manqué.
Un papa et une maman qui font leur gros possible pour être aimants et disponibles tout en étant pas trop en retard au travail.  
Parce qu'on avait tous les deux des meetings importants.
Avec des gens importants. Sur des sujets importants. 
 
Donc, au beau milieu de cet ordinaire routinier, j’ai remarqué du coin de l’œil que le teint de ma fille n’était pas aussi frais que je ne l’aurais souhaité.
Elle a chigné.
Elle a cherché à se coller.
Elle a dégobillé.
Dora a dit à Chipeur d’arrêter de chiper au son du vomi de ma fille sur mes souliers.
 

Crédit : Giphy

 
Évidemment, ma première réaction et mes premières pensées ont été pour ma fille. Je me suis inquiétée. Je l’ai réconfortée. Je l’ai nettoyée. J’ai mis ma main sur son front. Je lui ai mis un pyjama propre. Je l’ai étendue sur son lit. Je suis restée près d’elle, avec ma débarbouillette pis mon verre d’eau.

Puis, j’ai regardé l’heure.

Mon meeting commençait dans 5 minutes.
Il était hors de question que je ne sois pas aux côtés de ma p'tite. La gastro de ma fille venait de gagner par KO sur ma vie professionnelle.  
Mais, qu’une chose soit claire, ça n’a pas rendu le email envoyé à ma manager plus facile à écrire.
 

Crédit : Giphy

Parce que ce meeting-là, j’aurais vraiment voulu y aller.  Cette journée-là, j’aurais vraiment voulu la travailler.  
Je me suis trouvée d’une ingratitude crasse. Comment est-ce que je pouvais avoir des remords professionnels alors que ma pauvre puce gerbouillait tout ce qu’elle avalait?
Mon suit de worker dépassait de mon suit de maman et je ne savais pas si je devais le cacher ou non.
Le papa et moi, on se partage habituellement bien ces journées-là.  Mais, ce matin, je pouvais être remplacée, lui pas. Je suis donc restée. 

Crédit : willmamma/Instagram
 

J'étais triste de voir ma fille malade. J'étais contente d'être près d'elle pour la soigner. J'étais déçue de ne pas pouvoir faire mon métier.  

Entre les berceuses et les mots doux, je brainstormais toute seule dans la chambre de ma fille. Le lendemain, à mon retour au travail, je mettais les bouchées doubles, comme si j’avais quelque chose à me faire pardonner.  
Mais aussi, parce que ma job m'avait terriblement manquée.
Je me suis senti coupable d’avoir eu à choisir entre ma fille et ma job.  Et, pour en remettre une couche, je me suis sentie coupable d’aimer mon travail à ce point.  

Mes collègues ne m’ont jamais fait sentir ce poids.  Ils sont compréhensifs et attentionnés. Ce qui ne m’empêche pas d’entendre de temps à autres que les parents sont « donc chanceux » d’avoir plus de congés que les autres.
 
Je n'aime pas faire ce choix-là, parce que, justement, ce n'est pas un choix.
Je n’arrive même pas à imaginer quand les considérations monétaires entrent en jeu parce que la journée de maladie n’est pas payée, si l’enfant a une condition grave qui requiert des jours d’absence répétés ou encore une si c'est une variation sur le thème de la monoparentalité.  

Dans ma situation, somme toute simple, je me retrouve au cœur d'un dilemme dont je ne peux pas sortir gagnante. J'ai une responsabilité inaliénable envers mon enfant et ça veut dire qu'il y aura de ces matins-là, où je serai à son chevet, no matter what.  Et alors que je serai fière de l'accompagner dans sa guérison, j'aurai aussi un pincement pour ma journée de boulot manquée. Parce que dans chacun de ces rôles, il y a un peu de mon identité.  
      
La conciliation famille/travail, vous y arrivez? Travail/enfant-malade, vous vous en sortez?