Le sujet de la sexualité n'est jamais un sujet facile à aborder, encore moins lorsqu'il s'agit des agressions sexuelles. Alors voici la deuxième partie concernant la sexualité chez les enfants, volet agressions sexuelles, la suite de ce premier billet. Les réponses de Maryse Trempe et Michelle Bergeron, futures sexologues.

Quels comportements peuvent devenir inquiétants concernant la sexualité d’un enfant?
L’enfant découvre son corps par l’exploration. Il est curieux et recherche des expériences qui lui permettront de comprendre qui il est et ce qu’il ressent. Pourtant ces comportements fréquents inquiètent souvent les parents. Pour savoir si ceux-ci sont normaux, il faut d'abord voir s’ils concordent au stade de développement de l’enfant. Par exemple, les jeux sexuels entre les pairs soulèvent souvent beaucoup d'interrogations et de malaises. Soyez tranquilles! Ces jeux exploratoires sont tout à fait naturels et se glissent dans une courbe de développement normal. Ils vont souvent être spontanés et accompagnés de ricanements. La sexologue Sophie Morin rappelle qu’on a tendance à regarder les comportements sexuels des enfants avec nos yeux d’adultes, avec les fantasmes et l’érotisation qui s’y rattachent. Pourtant, l’enfant a tout simplement besoin de découvrir qui il est. Jocelyne Robert ajoute qu’il a besoin de se rassurer en s’observant et en se comparant aux autres. Si vous tenez à intervenir, rassurez-les! Dites-leur que c’est normal d’être curieux. Vous pouvez également profiter de l’occasion pour faire de la prévention en leur rappelant que ces jeux se font exclusivement entre enfants du même âge.
 
Il faut toutefois garder l’œil ouvert et veiller à ce que le tout se déroule dans un contexte sécuritaire, car même entre enfants il peut y avoir agression. Certaines situations peuvent être préoccupantes et nécessiter l’aide d’un professionnel. Plusieurs indices peuvent être révélateurs comme la présence de violence, de blessures, de colère, de tristesse ; la recherche d’un comportement précis comme la pénétration vaginale, anale ou buccale ; une réaction exagérée devant un toucher ou une conversation portant sur la sexualité ou tout comportement sexuel se voulant trop près de ceux des adultes. Ces observations peuvent indiquer une problématique importante comme l'agression sexuelle ou l’exposition à du matériel pornographique. En cas de doute, sur votre enfant ou celui d’un autre, il est essentiel de vous informer et d’aller chercher de l’aide afin d’assurer leur protection.
 
Des pistes pour définir la notion de « mon corps, mon choix » aux enfants?
Très tôt, on enseigne à l’enfant qu’il a sa propre bulle et qu’il a le droit de demander qu’on la respecte. S’initier au consentement, ça commence par émettre des frontières pour notre bien-être. Sophie Morin mentionne que la phrase « C'est moi qui décide pour mon corps » devrait pouvoir être utilisée par tous les enfants. Pour prendre conscience et actualiser ce droit, il est essentiel de laisser à l’enfant la possibilité de prendre les décisions qui concernent son corps. Par exemple, on devrait toujours lui laisser le choix de donner un câlin ou un bisou. Il sera ainsi plus facile pour l’enfant de comprendre qu’il a le pouvoir de refuser ou d'accepter les gestes commis à son égard. Il doit comprendre que l'adulte n’a pas tous les droits sur lui parce que c’est un adulte. En apprenant à imposer ses limites, il sera en meilleure mesure de repousser les comportements inadéquats.
 
Comment aborder le sujet des agressions sexuelles avec nos petits?
Il s’avère important d’aborder ce sujet délicat avec nos enfants afin de les rendre plus alertes à reconnaître les situations d’abus sexuel. Au lieu de les surprotéger, on les aidera à développer des automatismes pour qu’ils puissent assurer leur sécurité. Il faut garder en tête que l’agresseur est la plupart du temps connu et aimé de la victime et que n’importe quel enfant peut être victime d’agression sexuelle. Il est d'abord pertinent de démystifier les touchers. On peut distinguer avec l’enfant les types de touchers : les touchers corrects (un câlin avant de dormir), incorrects (un geste à caractère sexuel, un geste qui crée un malaise).

Aussi, les secrets sont souvent des mauvais secrets. On doit aider l’enfant à faire la différence entre un bon secret (cadeau pour l’anniversaire de papa) et un mauvais secret (situation dérangeante). On devrait d’ailleurs privilégier le mot surprise et réserver le mot secret aux choses inquiétantes comme un adulte qui demande à un enfant de ne pas parler d’une situation ou une amie qui tire les cheveux, et qui dit « Tu es mieux de ne pas le dire, parce que je ne serai plus ton amie ». Il n’est pas nécessaire de suggérer un contexte d’agression sexuelle. Enfin, il est primordial que l’enfant sache que s’il ne se sent pas bien, il doit en parler à un adulte en qui il a confiance. 
 
Quelles ressources pouvons-nous utiliser s’il y a une situation d’agression sexuelle?
Il existe plusieurs lignes téléphoniques et sites pour les victimes d’agression sexuelle et pour toutes personnes ayant des questions sur le sujet. Les lignes sont sans frais et accessibles 24 heures par jour, 7 jours par semaine, partout au Québec.

Il y a : 
- CALACS. Centre d’expertise Marie-Vincent ;
- CEMV ainsi que sa fondation ; 
CAVAC, Centre d’aide aux victimes d’actes criminels ;
IVAC - Indemnisation des victimes d’actes criminels ;
- Jeunesse J’écoute pour les enfants et adolescents de 5 à 20 ans.

Toutes ces ressources peuvent être utiles pour recevoir de l'information sur le sujet ainsi que de l'aide et de l'écoute.

Vous sentez-vous à l'aise d'aborder ce sujet avec vos enfants?